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  — Quant à des couteaux, je n’en porte pas,
Prenez mon poignard doré,
Pour couper votre ceinture de noce,
Et laissez-la à votre mari ! —

  Il lui a donné son poignard,
Et elle se l’est enfoncé dans le cœur ;
Dans le cœur elle se l’est enfoncé
Et en tombant, elle a dit :

  Qu’elle ne servirait pas de monture à des soldats,
Pas davantage au sieur La Tremblaie.
Le capitaine La Tremblaie disait
À la pauvre Jeanne, en ce moment :

  — Tu meurs dans une mauvaise intention ;
Que Dieu t’accorde le pardon :
Si je ne craignais de damner mon âme.
Tu ne serais pas allée vierge devant Dieu ! (1)[1]

  J’ai enlevé dix-huit jeunes mariées,
Et toi, tu fais la dix-neuvième ;
Toi, la dix-neuvième, la dernière,
Tu me brises le cœur ! —

IV

  Jeanne Le Roux disait
Aux gens de la noce, ce jour-là :
— De plus sottes que moi on eut trouvées,
C’est dans mon corset [1][2] que je l’ai enfoncé (le poignard) ! —


Chanté par Marie Daniel commune de Duault.



Ce sujet a été très-souvent traité, et est devenu, pour ainsi dire, un lieu commun de poésie populaire. Parmi les pièces qui se rapprochent le plus de la nôtre, ou des nôtres, je citerai : La fille des Sables d’Olonne, dans le recueil de M. Bujeaud, tome II, page 177. La fille du pâtissier, dans le recueil de M. de Puymaigre ; puis l’Anneau d’or et le beau Marinier, dans l’Etude de M. de Beaurepaire sur la poésie populaire en Normandie, pages 148-151, et enfin une canzone piémontaise recueillie par le chevalier Nigra, sous le titre de el Corsaro.


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  1. (1) Ces deux vers se trouvent dans trois pièces de notre recueil, où se reproduit la situation d’une jeune fille qui se donne la mort pour échapper au déshonneur. Ces trois pièces sont, avec celle-ci, Rozmelchon et Markiz Trede ou Coatredrez.
  2. (1) Le mot korf-balan, corset, me semble tirer son origine d’un vieil usage de notre pays de Lannion, qui consistait à faire les corsets des paysannes avec de la toile de lin trempée dans une décoction d’écorce de genêt (bulan) qui la teignait en rouge tirant sur le jaune. Cet usage, aujourd’hui disparu, existait encore il y a trente ans.