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NOTE.


Les trois versions que je donne de Lezobre correspondent au poème de Lez-Breiz du Barzaz-Breiz, un des plus importants de ce recueil et par son étendue (de la page 79 à 111) et par la haute antiquité que M. de La Villemarqué lui attribue. M. Pol de Courcy est loin de partager l’opinion du savant auteur du Barzaz-Breiz, relativement a l’antiquité et à l’attribution. Voici comme il s’exprime à ce sujet, dans son excellent itinéraire De Rennes à Brest et à Saint-Malo (collection des Guides Joanne, Hachette, éditeur, pages 201 à 303). « Les Dames hospitalières de Saint Augustin sont établies, depuis 1650, près de la chapelle de Sainte-Anne, chapelle qui, suivant la tradition, doit son origine à la piété d’un seigneur des Aubrays, de la maison de Lannion, protégé par sainte Anne dans un combat contre un magicien Maure. Cette tradition s’appuie sur une ballade bretonne très-répandue dans le pays de Goello et insérée dans le recueil des chants populaires publiés par M. de La Villemarqué. Il semble pourtant que le savant éditeur ait attribué à cette ballade une date beaucoup trop ancienne, en traduisant Les Aubrays par Lez-Breiz (hanche, et au figuré, soutien de la Bretagne), surnom qu’il donne à Morvan, roi des Bretons, tué en 818, dans une rencontre avec les Francs de Louis le Débonnaire. Les Aubrays est le nom d’une seigneurie du pays de Retz, apportée en mariage, en 1455, à Rolland de Lannion, par Guyonne de Grezy, dame des Aubrays. La ballade ne peut pas, par conséquent, être antérieure à cette époque, et nous la croyons bien plus moderne. ... Le poëte populaire dit que le seigneur des Aubrays, vainqueur du Maure du roi, fut plus tard décapité par les Français, et recapité par un ermite[1]. La tradition du pays de Goello, en conservant de génération en génération le souvenir de sa bravoure et de sa force extraordinaires, dit seulement qu’on lui scia la tête ; et l’on montre, dans le caveau délabré de Kermaria-Nisquit, en Plouha, un crâne d’une solidité remarquable, dont la partie supérieure porte des traces évidentes de l’opération. Or le testament de Jean de Lannion, châtelain des Aubrays et seigneur de Lizandré, en Plouha, daté du 21 janvier 1051, et publié par M. Ch. de Keranflec’h[2], ordonne que : « Son corps soit mis dans le caveau qui est sous la grande tombe élevée au milieu du choeur, en l’église de Kermaria. » L’identité du héros des chants trégorois et cornouaillais ne peut donc guère faire l’objet d’un doute ; la partie historique de ses exploits est moins facile à démêler de la partie légendaire. Nous pensons d’ailleurs que le curieux poëme inséré dans le Barzaz-Breiz est, comme beaucoup de pièces de ce genre, une œuvre de rapsodes, dont des fragments appartiennent a des époques et à des héros différents. »

  1. Ce détail ne se trouve dans aucune des versions que j’ai recueillies ; on n’y voit nulle part figurer le moine ou ermite de la ballade de M. de La Villemarqué.
  2. Voir pour plus amples détails, Revue de Bretagne et de Vendée, septembre 1857, un excellent travail de M. de Keranflec’h, sur la chapelle de Kermaria-Nisquit, en Plouha.