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NOTE.


Rien n’indique que les moines de notre gwerz fussent de l’ordre du Temple. Au contraire, les mots jacobins et couvent de Saint-François reviennent souvent dans les leçons que j’ai recueillies. Dans la pièce du Barzaz-Breiz (page 184), la scène se serait passée auprès de Quimper, dans la commune de Penharz, je crois, au lieu où l’on voit encore quelques ruines, connues dans le pays sous le nom de Temple des faux dieux, et où l’on dit traditionnellement qu’exista autrefois une commanderie de l’ordre du Temple. Il n’est pas prouve cependant que cette attribution ne soit pas erronée, et M. de Blois s’exprime clairement dans ce sens, dans le dictionnaire d’Ogée, au mot Penharz : « Ce qu’on appelle le Temple des faux dieux, n’est autre chose que la grande salle du manoir de Prat-an-Roux. Cette terre a donné son nom à une ancienne famille, ayant pour armes une croix pattée d’azur et qui s’est fondue dans la maison du Juch, vers la fin du XIVe siècle. Les croix pattées ont fait croire que Prat-an-Roux avait appartenu aux Templiers. Mais il faut remarquer que partout, ici, ces croix sont alliées avec le lion de la maison du Juch, et l’alliance de cette maison avec l’héritière de Prat-an-Roux est bien connue. »

Cette pièce est, à peu près, la seule de ce genre que j’aie recueillie contre les moines. J’ai cependant fait bien des recherches pour trouver une version, ne fût-ce même que des lambeaux, quelques vers seulement, de la ballade, déjà célèbre parmi les savants bretons, connue sous le nom de Les moines de l’Ile-Verte, et qui a été publiée dans l’Athenæum français (année 1854, p. 700). J’ai séjourné plusieurs jours dans le pays où l’on place la scène, j’ai interrogé les habitants de Pleubihan, de Lanmaudes, de Paimpol, de Kerity-Beauport, mais vainement ; je n’ai même pas trouvé un seul vers. Et pourtant des couplets tels que ceux-ci étaient bien de nature à se graver dans la mémoire du peuple, si le chant en question avait été réellement populaire :


Ar manac’h-braz a lavare,
War lein ar skeul pa arrue :
— Mui a verc’hed am euz gwallet,
Wit n’zo aman euz ma zellet !

Mui a zakrilej am euz gret
Wit n’zo neudenn bars ma rochet,
Ha c’hoas c’houlennann ’ rok merwel,
Ma kouezou gwall war Breiz-Izel. —


Le grand moine (l’abbé) disait,
En arrivant au haut de l’échelle :
— J’ai violé plus de filles
Qu’il n’y en a là à me regarder !

J’ai commis plus de sacrilèges
Qu’il n’y a de fils dans ma chemise ;
Et je demande encore, avant de mourir,
Que tous les fléaux tombent sur la Basse-Bretagne ! —


Mais aujourd’hui que je tiens le mot de cette énigme, et que je connais l’auteur de ce pastiche, qui est réellement réussi quoique trop empreint de la rhétorique et des sentiments modernes pour passer pour une poésie ancienne, après mûr examen, je ne n’étonne plus de l’insuccès complet de mes recherches. Il me revient à la mémoire que, il y a seize ou dix-sept ans, le véritable auteur de la pièce, homme de talent et de beaucoup d’imagination, me sachant occupé à rechercher les poésies populaires du pays de Tréguier, celui de nos anciens diocèses bretons où l’on chante le plus, me récitait souvent ces vers, ainsi que quelques autres, comme le refrain des Loups de mer (Ar Bleizdi-mor, voir page 72), l’apostrophe de la Fontenelle a son épée, la vieille Ahès, et me demandait, en souriant : — As-tu trouvé cela ? — Non, disais-je, avec quelque dépit : mais je chercherai encore, et je trouverai. — Tu peux chercher, reprenait-il, avec une douce malice, mais tu ne trouveras pas. — J’étais dépité et presque honteux de voir que d’autres trouvaient, dans mon pays même, de si beaux chants anciens, relatifs aux événements les plus marquants de notre histoire nationale, tandis que moi je ne trouvais rien de pareil, ou presque rien. Et je cherchais encore, avec