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LA FEMME AUX DEUX MARIS.
SECONDE VERSION.
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I

  J’ai la fièvre, et elle m’a fort malmenée.
— Si vous vouliez manger après l’avoir tremblée ;

  Si vous vouliez manger après l'avoir tremblée,
Votre cœur aurait plus de force pour résister au mal. —

  J’ai une marâtre qui est bien dure,
Deux, trois heures avant le jour, hélas ! je suis levée :

  Deux, trois heures avant le jour, hélas ! je suis levée,
Pour aller chercher de l’eau à la fontaine de Gwashalec.

  La nuit était bien noire et l’eau était troublée,
Par le cheval d’un cavalier qui revenait de Nantes :

  Et lui de me demander : — Jeune fille, êtes-vous mariée ? —
Et moi, je fus assez sotte pour lui dire que je ne l’étais pas.

  Et lui de me prendre par la main et de me conduire dans une genêtaie,
Et de me mettre sur les genoux deux ou trois cents écus ;

  Et de me mettre sur les genoux deux ou trois cents écus,
Avec un mouchoir de coton et un anneau doré :

  — Retournez à la maison, jeune fille, et dites que vous êtes mariée ;
Au bout de sept ans, je reviendrai vous voir. —

II

  — Comme j’étais à Keridon, ma maîtresse, revenant vous voir,
J’entendais clairement les sonneurs de votre noce.

  Ouvrez-moi votre porte, jeune femme nouvellement mariée,
La bride de mon cheval est rompue et mon page s’est égaré. —

  — Je n’ouvrirai ma porte ni à vous, ni à nul autre,
Je suis ici couchée à côté de mon mari ;

  Je suis ici couchée à côté de mon mari,
Et si je le réveille, il m’en voudra —

  Quand la porte fut ouverte et la lumière allumée,
Leurs cœurs à tous les deux se brisèrent aussitôt ! (1)


Chanté par Marie-Louise Loyer.


(1) Rapprocher cette pièce et la précédente de celle du Barzaz Breiz : le frère de lait (page 163, 6e édition).