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III

  Dur eut été le cœur de celui qui n’eut pleuré,
Etant dans la ville de Rennes,
En voyant la petite servante au milieu des flammes,
Sans que son cœur éprouvât de frayeur !

  Les gens de la justice demandaient
A Jeanne, en ce moment :
— Jeanne, dites-nous,
Ce qui est cause que vous ne brûlez point. —

  Et le bourreau disait
Aux gens de la justice, en les entendant :
— J’ai été trois fois sur son épaule,
Et elle ne fait que me sourire ! —

  — Notre-Dame Marie de Goulven
Noue ses bras autour de mon cou ;
Notre-Dame Marie du Folgoat
Me sert d’escabeau sous mes pieds. —

  — Conduisons-la au bûcher,
Et l’enduisons de soufre et d’alun ;
Enduisons-là de soufre et d’alun,
Et alors nous en viendrons à bout. —

  Dur eut été le cœur de celui qui n’eût pleuré,
Etant auprès du bûcher,
En voyant Jeanne au milieu des flammes,
sans que son cœur éprouvât de frayeur !

  — Jeanne, dites-moi
Ce qui est cause que vous ne mourez point ? —
— Monsieur de La Villeblanche, je mourrais facilement
Si je voyais votre gouvernante ! -—

  Elle eut à peine dit ces mots,
Qu’il se dirigea vers la maison :
— Gouvernante, préparez-vous.
Car il vous faut venir avec moi.

  La petite servante ne veut pas mourir
Avant de vous avoir vue. —
— Nous ne sommes pas tellement amies
Qu’elle ne puisse mourir sans me voir ! —

  Quand elle arriva auprès du bûcher,
Oui, à la distance d’un journal de terre,
Une étincelle a jailli.
Et la gouvernante a été brûlée.

  Monsieur de La Villeblanche, en voyant cela,
Se jeta à genoux ;
Il se jeta a genoux
Pour demander à Jeanne pardon et grâce.