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LE CAVALIER & LA BERGÈRE.
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I

  — Dites-moi, bergère, que faites-vous là, seule ? —
— Je fais un bouquet de fleurs de genêt. —

  — Dites-moi, bergère, pour qui vous le faites ? —
— Pour Yves Le Henan, mon plus aimé. —

  — Si c’est Yves Le Henan qu’on appelle votre mari,
Il est mort depuis sept ans, et enterré en terre d’avoine[1]. —

  — Si mon mari est mort, que Dieu lui pardonne !
Et s’il est en vie, que Dieu le console !

  Et s’il est en vie, que Dieu le console.
Car je suis bien sa femme, que Dieu me soutienne ! —

  — Venez avec moi, bergère, sous un buisson vert,
Je vous choisirai un cotillon d’écarlate, —

  — Sauf votre grâce, cavalier, sauf votre grâce, je n’irai pas.
Un cotillon de grosse toile c’est ce qu’il me convient d’avoir :

  Un cotillon de grosse toile, quand il est lavé bien blanc.
Sied à une bergère, pour aller à la messe. —

  — Venez avec moi, bergère, sous un buisson vert.
Car le temps est dur, et le vent est fort. —

  — Sauf votre grâce, cavalier, sauf votre grâce, je n’irai pas,
De crainte d’offenser mon honneur et de manquer de respect à mon mari.

  — Dites-moi, bergère,comment le nomme-ton ? —
— Merci de la demande, c’est Yves le Henan. —

  — Si c’est Yves Le Henan que se nomme votre mari.
Voilà sept ans qu’il est mort, et enterré en terre d’avoine ! —

  — Si mon mari est mort, que Dieu lui pardonne !
Et s’il est encore en vie, que Dieu le soutienne ! —

  Son cœur était si las de deviser avec elle.
Qu’il ota ses gants, pour lui parler.

  — Si mon mari est mort, comme vous le dites,
Certes mon diamant est à un de vos doigts. —

  — Dites-moi, bergère, si je serai logé
A l’auberge où vous êtes gardeuse de moutons ? —

  — Oh ! oui, dit-elle, cavalier, vous serez bien logé.
Il y a des écuries pour mettre vos chevaux ;

  1. (1) Cette expression équivaut à terre labourable, où l’on peut mettre de l’avoine.