c’était bien une réalité, et non une vaine illusion. O bonheur ! les tas d’or étaient toujours où ils les avaient déposés, la veille. Ils en remplirent alors deux vieux coffres de chêne, qui étaient au bas de la chaumière, et enfouirent le reste sous terre, dans le sol même de leur habitation.
Ab-Grall alla alors à Lannion, avec de l’or plein ses poches, et il acheta du pain blanc, de la viande, du vin, et de quoi faire des habits neufs à sa femme, à ses enfants et à lui-même ; il acheta même un cheval, sur lequel il mit ses emplettes, monta par-dessus le tout, et revint alors à sa chaumière de la Lieue-de-Grève, fier comme un riche propriétaire. Et, à partir de ce jour, c’était tous les jours des festins et des dépenses, qui étonnaient les voisins. Peu de temps après, ils bâtirent une belle maison neuve et achetèrent des champs et des chevaux et des vaches. Les enfants furent aussi envoyés à l’école, en ville. Tout cela excitait fort l’étonnement et aussi la jalousie des pêcheurs de Saint-Michel-en-Grève et de Locquirec, et on en causait beaucoup.
— Comment, se disait-on, Ewen Ab-Grall, qui était si misérable, il n’y a pas encore un an, peut-il être devenu, tout d’un coup, si riche ?
— Il faut qu’il ait trouvé un trésor, disaient les uns. — Ou qu’il ait vendu son âme au Diable ou