Beza zo brema pell-amzer,
D’ar c’houlz m’ho devoa dennt ar ier.
Il y a de cela bien longtemps,
Quand les poules avaient des dents.
Un meunier nommé Ewen Kerépol s’apprêtait un jour à lever la vanne du moulin de Keranborn, lorsque, ayant aperçu dans le bief une anguille énorme, il voulut la frapper avec son levier de fer.
— Hola ! Ewen Kerépol, lui dit l’anguille, garde-toi bien de me faire du mal !
— Comment, anguille, répondit Ewen, vous parlez donc aussi ?
— Oui, car je ne suis pas ce que tu crois.
— Mais qu’êtes-vous donc, je vous prie ?
— Je suis la Princesse du Soleil, qu’un méchant magicien retient, depuis trois cents ans, captive, sous cette forme.
— Je vous plains sincèrement ; mais n’y a-t-il pas moyen de vous délivrer ?
— Si, Ewen, et celui qui me rendrait ce service, je le récompenserais bien.
— Dites-moi, je vous prie, ce qu’il faudrait faire.
— À quoi bon ? Bien d’autres l’ont tenté déjà, des princes, des chevaliers vaillants, et tous ont échoué.
— Dites-le-moi toujours ; je veux le tenter aussi, et peut-être serai-je plus heureux.
— Eh bien ! il faudrait passer trois nuits de suite dans le vieux château abandonné qui est là-haut, sur la colline qui domine l’étang du moulin, et, si tu conserves encore un reste de vie, après la troisième nuit, tu m’auras délivrée et je reviendrai à ma forme première, c’est-à-dire celle d’une belle princesse.
— Eh bien ! je suis décidé à tenter l’aventure, et, Dieu aidant, j’espère réussir.
Le château était inhabité depuis longtemps, et l’on disait que,
toutes les nuits, des démons et des sorciers s’y réunissaient et