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— Ce n’est pas ce que je cherche pour le moment, bien que j’en aie grand besoin, dit le charbonnier ; c’est un parrain qu’il me faut pour un vingt-sixième enfant que ma femme vient de me donner.

— Vingt-six enfants, mon pauvre homme ! s’exclama le roi ; eh bien ! trouvez-vous demain à l’église avec l’enfant et une marraine, et je serai le parrain, moi.

Le charbonnier fut fidèle au rendez-vous ; il emmena une marraine et le roi arriva aussi à l’heure convenue. L’enfant fut baptisé et nommé Louis. Le parrain donna au père une bourse pleine d’or et lui dit d’envoyer son filleul à l’école, quand il aurait dix ans. Il lui donna encore la moitié d’une platine, dont il garda l’autre moitié, en lui recommandant de la donner à son filleul, quand il aurait atteint l’âge de dix-huit ans, pour qu’il la lui rapportât à sa cour, à Paris. Il le reconnaîtrait à ce signe. Il partit ensuite.

L’enfant fut mis à l’école à dix ans, et, comme il était intelligent, il fit des progrès rapides. Quand il eut dix-huit ans, son père lui remit la demi-platine et lui dit d’aller la porter à son parrain, le roi de France, dans son palais, à Paris. Jusque-là, il lui avait caché qui était son parrain. Il lui donna aussi un de ses chevaux à porter le charbon, une rosse, et le jeune homme partit.

Comme il passait dans un chemin étroit et profond, il y rencontra une petite vieille femme, courbée sur son bâton, et qui lui dit :

— Bonjour, Louis, filleul du roi de France.

— Bonjour, grand’mère, répondit Louis, étonne d’être connu de la vieille.

— Tout à l’heure, mon enfant, reprit celle-ci, tu arriveras à une fontaine au bord de la route, et là tu verras quelqu’un qui t’invitera à descendre de cheval et à te désaltérer ; mais ne l’écoute pas et continue ton chemin.

— Merci, grand’mère, répondit le jeune homme. Et il passa. Il arriva en effet, tôt après, à une fontaine, près de laquelle était un personnage de mauvaise mine qui lui cria :

— Eh ! Louis, arrête-toi un peu et descends de cheval.

— Je n’ai pas le temps, répondit Louis, je suis pressé.

— Viens, te dis je, te désaltérer à cette fontaine, dont l’eau est délicieuse, et causer un peu  ; tu ne me reconnais donc pas, un ancien camarade d’école  ?

Louis, en entendant ces derniers mots, descendit de cheval ; mais il ne reconnut pas le prétendu camarade d’école. Il voulut boire néanmoins à la fontaine, et, comme il se penchait sur l’eau pour boire dans le creux de sa main, l’autre, d’un coup d’épaule, le jeta dedans, puis il lui enleva sa demi-platine, monta sur son cheval et partit. Le pauvre Louis sortit de l’eau, comme il put, et courut après le voleur. Le cheval