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L’épisode du curé lié dans un sac, sous prétexte de le porter en paradis, se trouve aussi dans une de mes versions bretonnes.


LE BERGER QUI OBTINT LA FILLE DU ROI POUR UNE SEULE PAROLE.


Il y avait une fois un roi qui disait qu’il n’avait jamais fait un seul mensonge de sa vie. Comme il entendait sans cesse les gens de sa cour qui disaient les uns aux autres : « Ce n’est pas vrai ! vous êtes un menteur ! » cela lui déplaisait beaucoup ; si bien qu’il dit un jour :

— Vous m’étonnez ; un étranger qui vous entendrait parler de la sorte ne manquerait pas de dire que je suis le roi des menteurs. Je ne veux plus entendre parler ainsi dans mon palais. Celui qui m’entendrait dire à un autre, quel qu’il fût : « Vous êtes un menteur ! » eh bien, je lui donnerais la main de ma fille.

Un berger, qui était aussi parmi les autres, ayant entendu ces paroles du roi, se dit en lui-même : « Bon ! nous verrons ! »

Le vieux roi aimait à entendre chanter d’anciens gwerziou, des soniou nouveaux et conter des contes merveilleux. Souvent, après souper, il venait à la cuisine et prenait beaucoup de plaisir à écouter les chants et les récits des valets et des servantes. Chacun chantait ou contait quelque chose à son tour.

— Et toi, jeune berger, tu ne sais donc rien ? dit le roi, un soir.

— Oh  ! si, mon roi, répondit le berger.

— Voyons donc ce que tu sais. Et alors le berger parla ainsi :

— Un jour, comme je passais dans un bois, je vis venir à moi un superbe lièvre. J’avais à la main une boule de poix ; je la lançai au lièvre et je l’atteignis juste au milieu du front, où elle se colla. Et voilà le lièvre de courir de plus belle, avec la boule de poix sur le front. Il rencontra un autre lièvre qui venait en sens opposé, ils se heurtèrent front contre front et restèrent collés ensemble, si bien que je pus les prendre facilement, alors. Comment trouvez-vous cela, sire ?

— C’est fort, répondit le roi, mais continue.

— Avant de venir comme berger à votre cour, sire, j’étais garçon meunier dans le moulin de mon père, et j’allais porter la farine aux pratiques. Un jour, j’avais tellement chargé mon âne que, ma foi ! son échine se rompit.

— La pauvre bête ! dit le roi.

— J’allai alors à une haie qui était près de là et, avec mon couteau, j’y coupai un bâton de coudrier que je fourrai dans . . . . le corps de mon âne, pour lui tenir lieu d’échine. L’animal se releva alors, et il porta bellement sa charge à destination, comme s’il ne lui était pas arrivé de mal.