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— J’en ai une toute semblable ! — Son mari la lui avait donnée.

On rapprocha les deux moitiés l’une de l’autre et elles se rejoignirent, et voilà la bague entière. De même pour les deux moitiés de mouchoir. Tous ceux qui virent cela en furent étonnés. Le prince, seul, restait indifférent et semblait ne pas comprendre. Alors la sœur de l’Aigle mit sur la table son petit coq et sa petite poule d’or. Puis elle jeta un pois dans son assiette, et le coq le croqua aussitôt.

— Tu l’as encore avalé, glouton ! lui dit la poule.

— Tais-toi, répondit le coq, le prochain sera pour toi.

— Oui, le fils du roi aussi me disait qu’il me serait fidèle jusqu’à la mort, quand il allait jouer aux boules avec mon frère l’Aigle.

Le nouveau marié dressa l’oreille. La sœur de l’Aigle jeta un second pois dans son assiette, et le coq le croqua encore.

— Tu l’as encore avalé, glouton ! lui dit la poule.

— Tais-toi, ma poulette, le premier sera pour toi.

— Oui, le fils du roi me disait aussi qu’il me serait fidèle jusqu’à la mort, quand mon frère l’Aigle lui dit d’aller avec lui puiser de l’eau à la fontaine !

Tout le monde était étonné, et ouvrait de grands yeux. Le prince aussi était très-attentif. La servante de l’orfèvre jeta un troisième pois dans son assiette, et le coq le croqua, comme les deux autres.

— Tu l’as encore avalé, glouton ! lui dit la poule.

— Tais-toi, ma poulette, le premier sera pour toi !

— Oui, le fils du roi aussi me disait qu’il me serait fidèle jusqu’à la mort, quand mon frère l’Aigle l’envoya abattre tous les chênes de sa grande avenue, avec une cognée de bois !

Le prince comprit enfin. Il se leva alors, et, se tournant vers son beau-père, il parla de cette façon :

— Beau-père, j’ai un conseil à vous demander. J’avais une petite clef d’or, la clef de mon trésor, et je la perdis. J’en fis faire une nouvelle, qui était aussi bien jolie. Mais je viens de retrouver la première, de sorte, que j’en ai deux, à présent. De laquelle convient-il que je me serve, de l’ancienne ou de la nouvelle ?

— Respect est toujours dû à ce qui est ancien, répondit le vieillard.

— Je pense aussi comme vous, reprit le prince : eh bien ! j’ai aimé une autre avant votre fille ; je l’avais perdue et je l’ai retrouvée : la voici !

Et il se leva et alla vers la servante de l’orfèvre, qui était la sœur de l’Aigle, et la prit par la main, au grand étonnement de tout le monde. L’autre fiancée, ainsi que son père, sa mère et ses parents et invités se retirèrent, peu satisfaits, on le comprend aisément  ; mais les festins, les jeux et les réjouissances de toute sorte n’en continuèrent pas moins, pour célébrer le mariage du prince avec la sœur de l’Aigle.