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— C’est bien, répondit le prince, ce sera fait.

Et il prit la cognée de bois et se rendit dans l’avenue, d’un air plus rassuré qu’il ne l’était en réalité. Heureusement pour lui que la sœur de l’Aigle, sous prétexte d’aller se promener dans l’avenue, vint à son secours et lui dit :

— Me serez-vous fidèle  ?

— Oui, jusqu’à la mort ! répondit-il.

— Eh bien, ôtez votre veste, mettez-la sur les racines découvertes du vieux chêne que voilà, puis prenez votre cognée, frappez-en chaque arbre au tronc, et, à chaque coup, vous en abattrez un.

Le prince fit comme on lui avait dit, et il eut bientôt abattu tous les arbres de l’avenue, puis il revint tranquillement au château.

— Comment, est-ce déjà fait ? lui demanda l’Aigle, en le voyant revenir.

— Oui vraiment, répondit-il ; quand vous n’aurez pas de travaux plus difficiles que cela à me donner, ce sera vite fait.

L’Aigle courut à son avenue, et quand il vit tous ses beaux chênes à terre, il se mit à pleurer, puis il alla trouver sa mère et lui avoua qu’il ne pouvait plus lutter avec le prince et qu’il fallait lui donner sa sœur et les laisser partir. Le prince emmena donc avec lui la sœur de l’Aigle, qui était aussi une princesse d’une grande beauté, et prit avec elle la route de son pays. Quand ils arrivèrent dans la ville où demeurait son père, elle lui parla de la sorte :

— Nous nous séparerons, à présent, pour un temps, car nous ne pouvons encore nous marier. Mais restez-moi toujours fidèle, quoi qu’il arrive, et, lorsque le temps sera venu, vous me retrouverez. Voici une moitié de ma bague et une moitié de mon mouchoir ; prenez-les et ils vous serviront, au besoin, à me reconnaître.

Le prince parut désolé ; il prit la moitié de la bague et la moitié du mouchoir de la sœur de l’Aigle, et retourna seul au palais de son père, où l’on fut heureux de le voir revenir. Quant à la sœur de l’Aigle, elle se mit en condition chez un orfèvre de la ville, qui se trouvait être l’orfèvre de la cour.

Cependant le prince oublia vite sa fiancée. Il devint amoureux d’une belle princesse, venue à la cour de son père d’un royaume voisin, et le jour fut fixé pour leur mariage. On lit de grands préparatifs et de nombreuses invitations. L’orfèvre de la cour fut aussi invité, avec sa femme, et même la femme de chambre de celle-ci, c’est-à-dire la sœur de l’Aigle. Celle-ci se fit faire par son maître un petit coq et une petite poule d’or, et les emporta au palais, le jour des noces. Pendant le repas, elle se trouva être vis-à-vis des nouveaux mariés. Elle mit la moitié de son anneau, dont le prince avait l’autre moitié, à côté d’elle, sur la table. La nouvelle mariée la remarqua, et dit :