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— C’est mon fils, dit la vieille, mais ne croyez pas qu’il soit facile de le prendre ; vous le verrez dans un château que vous trouverez bientôt.

Le cadet suivit une grande avenue de vieux chênes, et se trouva en effet, sans tarder, devant un château aux murs d’acier. Au-dessus de la porte de la cour, il vit l’aigle qu’il avait blessé, triste, et paraissant malade. Dès que l’oiseau l’aperçut, il s’envola, en poussant un grand cri. Le cadet pénétra dans la cour du château, et une belle demoiselle vint à sa rencontre et lui dit qu’elle était fille du roi d’Espagne et qu’elle avait deux autres sœurs, plus belles qu’elle, et, comme elle, retenues enchantées, depuis plus de cinq cents ans, par l’aigle, qui était un grand magicien. L’une de ses sœurs demeurait plus loin, dans un château d’argent, et l’autre, plus loin encore, dans un château d’or. S’il pouvait tuer l’aigle, il les délivrerait toutes les trois, et il pourrait alors épouser celle qui lui plairait le plus. Puis elle le conduisit jusqu’au château d’argent. L’aigle y était encore, perché au-dessus de la porte de la cour, et, en les voyant, il poussa un cri effrayant et s’envola plus loin, vers le château d’or. Les deux sœurs accompagnèrent le cadet jusqu’au château d’or. L’aigle y était perché sur la plus haute tour, et, dès qu’il les aperçut, il s’envola encore plus loin, en poussant un cri épouvantable. Les deux princesses du château d’argent et du château d’acier s’en retournèrent alors chez elles, et le cadet pénétra seul dans la cour du troisième château, qui était tout d’or. Une princesse, plus belle que les deux autres, vint à sa rencontre. Elle lui donna une épée enchantée, qui appartenait au magicien et dans laquelle résidait toute sa puissance, et lui dit d’aller se placer au milieu de la cour du château, de tenir la pointe de l’épée en l’air, et l’aigle viendrait planer au-dessus et continuerait de descendre, en tournant et en rétrécissant toujours les cercles, jusqu’à ce qu’il tombât sur la pointe de l’épée, et aussitôt il se changerait en homme et perdrait tout son pouvoir.

Le cadet se conforma de point en point aux instructions de la princesse, et tout se passa comme elle le lui avait prédit. . . Il retourna à l’ouverture du puits, avec les trois princesses, et tira la corde d’une petite cloche qui avait été suspendue au-dessus de l’ouverture supérieure, donnant ainsi à entendre qu’il voulait remonter. Les trois princesses entrèrent d’abord dans le seau, l’une après l’autre, et furent retirées du puits, et les deux princes aînés se les disputèrent ; puis ils coupèrent la corde et laissèrent leur frère au fond du puits. Mais le cadet avait retenu une des pantoufles de chacune des trois princesses, une d’acier, une d’argent et une d’or. Ses deux frères voulaient se marier, tout de suite, l’un avec la princesse du château d’or, l’autre avec la princesse du château d’argent. Les princesses dirent qu’elles ne se marieraient que lorsqu’on leur aurait procuré des pantoufles semblables à celles dont elles avaient déjà