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— Eh bien  ! mon enfant, demanda-t-il à Louis, avez-vous réussi  ?

— Oui, grand-père, grâce à vous, et que Dieu vous bénisse. Quand la princesse arriva à la cour, le vieux roi fut tellement charmé de sa beauté qu’il voulut l’épouser sur-le-champ.

— Holà  ! dit-elle alors, je ne suis pas venue ici pour un vieux barbon comme vous, ni pour cet autre, — et elle montrait le faux filleul, — que vous croyez être votre filleul, et qui n’est qu’un démon ! Votre vrai filleul, le voici, et c’est lui qui sera mon époux. — Et elle montrait Louis. — À présent, faites chauffer un four, et qu’on y jette ce diable !

Ce qui fut fait. Et comme le démon, autrement le faux filleul, poussait des cris affreux et essayait de sortir du feu, on fit venir une jeune femme portant son premier enfant, et, avec son anneau de mariage qu’elle lui présentait à l’ouverture du four, quand il voulut sortir, elle le força d’y rester. Alors il s’écria :

— Si j’étais resté à la cour un an seulement, j’aurais réduit le royaume à un état désespéré !

Louis fut alors marié à la princesse de Tronkolaine, et il remplaça sur le trône le vieux roi, son parrain, qui n’avait pas d’enfants. Il fit venir à la cour son vieux père et sa vieille mère, ainsi que ses frères et ses sœurs, qu’il établit tous honorablement.


Il faut remarquer que nos conteurs populaires, lorsque les héros de leurs récits deviennent rois, ce qui arrive fréquemment, ne manquent jamais de leur faire appeler à la cour leur vieux père, leur vieille mère, avec leurs frères et leurs sœurs ; touchant exemple d’amour filial, de leur sympathie et de leurs bons sentiments pour leurs proches, et généralement pour tous ceux qui souffrent.

Trégont-à-Baris, de mon quatrième rapport, n’est qu’une version différente de ce conte, avec des variantes curieuses. La Princesse de Tréménézaour, du même rapport, s’en rapproche aussi, sur quelques points.


LE FILS DU PÊCHEUR ET LA PRINCESSE TOURNESOL.


Un pauvre pêcheur, qui ne prenait presque rien, rencontra un jour, en mer, le diable qui lui dit :

— Promets-moi ce que ta femme porte en ce moment, et jure de me l’apporter ici, dans dix-huit ans, et je te ferai prendre du poisson à discrétion.

Le marché fut conclu. La femme du pêcheur était enceinte, sans qu’il le sût, et il avait ainsi vendu son enfant au diable, avant sa naissance.