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— D’être capable de vous amener à votre cour la princesse de Tronkolaine elle-même, pour que vous l’épousiez !

— Vraiment, il s’est vanté de cela ? Eh bien ! il faut qu’il le fasse, alors, ou il n’y a que la mort pour lui.

Et le pauvre Louis dut encore tenter cette aventure, malgré ses protestations de n’avoir jamais dit rien de semblable. Heureusement pour lui qu’il rencontra encore le vieillard inconnu, qui lui dit :

— Retournez auprès du roi et dites-lui que, pour accomplir votre entreprise, il vous faut un bâtiment chargé de blé, de lard et de viande de bœuf, afin de distribuer ces provisions aux rois des fourmis, des éperviers et des lions, que vous rencontrerez sur votre route, et qui, si vous les régalez bien, vous seront utiles, plus tard.

Il obtient le bâtiment chargé de ces provisions. Alors le vieillard lui donne encore une baguette blanche, pour obtenir un vent favorable du côté où il la tournera. Il s’embarque, passe successivement par les royaumes des fourmis, des éperviers et des lions, régale tous ces animaux de son mieux, et tous lui promettent de lui venir en aide, sitôt qu’il les appellera[1]. Il aborde alors dans une île. Au milieu de l’île il y a un château magnifique. C’est là que demeure la princesse de Tronkolaine. Il la voit au bord d’une fontaine, peignant ses cheveux blonds, avec un peigne d’or et un démêloir d’ivoire. Il cueille une orange à un oranger qui est là près, et la jette dans la fontaine. La princesse se détourne, l’aperçoit, lui sourit et lui dit d’avancer. Puis elle le conduit à son château, le régale de mets exquis et de fruits délicieux, et l’invite à rester avec elle. Au bout de quinze jours de séjour dans le château, Louis demanda à la princesse si elle consentirait à le suivre à la cour du roi de France.

— Volontiers, répondit-elle, quand vous aurez fait tout le travail qu’il y a à faire ici.

— Dites, princesse, ce que vous désirez de moi, et si c’est possible, je le ferai.

Le lendemain matin, la princesse le conduisit dans le grenier du château, et lui montrant un grand tas de grains mélangés :

— Voilà, dit-elle, un tas de trois grains mélangés, froment, seigle et orge[2]. Il faut mettre chaque sorte de grain dans un tas à part, sans vous

  1. Dans un autre conte breton, et dans une fable de Straparole aussi (nuit III, fable IV), le héros est secouru par un loup, un aigle et une fourmi, — un bourdon, dans le conte breton, paire qu’il leur a partagé, de manière à les satisfaire tous, une charogne qu’ils se disputaient.
  2. Cette épreuve de différentes séries de grains mélangés, et qu’il faut trier, se rencontre très-souvent dans nos contes bretons, les conteurs aiment à l’introduire dans leurs récits, et en abusent parfois. Ce sont toujours les fourmis qui viennent au secours du héros, comme dans la fable de Psyché, dans Apulée.