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possédé la meilleure de toutes ? Et pourtant, comme tous les artistes de sa génération, son esprit a dû subir la tyrannie de la grande école littéraire du siècle. A son tour, il s’était engagé dans la forêt romantique, mais, au lieu de céder, comme la plu-part de ses compagnons de voyage, à l’ensorcellement de son mystère et de s’y enfoncer plus avant, il avait rebroussé chemin, remonté l’avenue frayée par ses devanciers illustres. Au long de la route, il avait écouté à son tour les fastueuses orchestrations de Flaubert, les lamentations sonores de Chateaubriand ; elles le ravirent sans l’enchaîner. Il s’éloigna encore et ne s’arrêta qu’en plein soleil, devant l’horizon large et clair des siècles classiques. Il renouait la vieille tradition française, donnait à la vision naturaliste la netteté des contours, la précision des lignes, la dégageait des déformations lyriques léguées par le Romantisme.

« A-t-il cédé simplement et sans réflexion aux facultés objectives de sa nature en pratiquant cette amputation hardie, ou fut-elle le fruit d’une préférence méditée que lui dictait sa fréquentation des vieux maîtres ? Il n’importe. Ce qui est certain, c’est que, grâce à cette réforme, à ces qualités retrouvées, à ces clartés renaissantes, il put conquérir du premier coup la faveur de tous. Le lecteur français, épris de lumière, satisfait par les belles ordonnances — jardins de curés ou parcs du grand roi, — se trouva tout de suite à l’aise et de plain-pied dans des sujets qui ne différaient pas sensiblement de ceux qu’on lui avait offerts jusqu’alors, mais qu’il sentait traités avec un art invisible et si solidement