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vous me permettrez, illustre M. Dessaulles, de développer une question que j’ai déjà suffisamment démontrée pour tout autre que vous.

De ce que l’Église, société visible et parfaite, a eu une sublime mission à remplir sur la terre, guider l’homme vers sa fin surnaturelle et la lui faire obtenir, il en résulte qu’elle a droit aux moyens, au moins strictement nécessaires, de remplir cette mission. Or, le maintien de son indépendance, l’exercice du culte divin, l’entretien des ministres sacrés, l’administration des affaires ecclésiastiques, la pratique des œuvres de charité exigent des ressources considérables, elle doit nécessairement, pour subvenir à ces besoins, posséder des biens temporels. La simple raison le veut ainsi et l’Écriture le confirme, car l’apôtre Saint Paul dit, dans la première épitre aux Corinthiens : « Ne savez-vous pas que ceux qui servent à l’autel ont part aux oblations de l’autel ? Ainsi, le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile. »

Par ces paroles, Dieu, souverain maître de toutes choses, dispose qu’une partie des biens des fidèles sera la propriété de son Église. Voilà qui est de droit divin. Il ne détermine pas quelle sera cette portion, puisqu’elle peut et doit varier selon les temps, les lieux et les personnes ; mais il laisse à la prudence et à la sagesse de la sainte épouse du Christ de la déterminer elle-même, en tenant compte des diverses circonstances. Voilà, en pareille matière, ce qui est de pur et de seul droit ecclésiastique. Aussi, dès le temps des apôtres, les fidèles contribuaient-ils de leurs biens au culte et aux besoins de l’Église, et tout ce qu’ils devaient donner, sans que le pouvoir civil intervint, était une propriété sacrée dont il n’était permis de rien détourner. Ananie et Saphire, frappés de mort aux pieds de saint Pierre, pour avoir usé de mensonge dans le but de retenir une partie des biens par eux d’abord consacrés au service des autels, le prouvent surabondamment.

Depuis lors, l’Église n’a cessé de posséder des biens, même des immeubles considérables. Dans les temps mêmes où elle fut le