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Et cependant, savantissime M. Dessaulles, ignorez-vous que cette loi civile, que vous admirez à un si haut degré, ne permet pas à tous indistinctement d’user de certaines armes, de vendre des liqueurs enivrantes, de garder et de distribuer des matières explosives, de délivrer des poisons ? Pourquoi cela ? Pour protéger la vie corporelle des individus, en prévenant les malheurs que pourrait occasionner l’inconsidération, la négligence ou la malice. Avez-vous jamais songé et songerez-vous jamais à blâmer la loi civile de prendre de semblables mesures et de restreindre ainsi la liberté des citoyens ? Assurément non. Mais ce que peut la loi civile pour la partie qui la concerne, la loi religieuse et ecclésiastique ne le peut-elle pas en faveur des âmes qu’elle a pour but de protéger et d’aider à atteindre leur fin dernière ? Évidemment oui. Or, comme les poisons moraux, tels que les opinions fausses, erronées, destructives de toute morale et de toute religion, et les livres et les journaux, où on les trouve consignées, sont infiniment plus pernicieux que les poisons physiques, et que leurs ravages sont bien autrement déplorables, il s’en suit que l’Église non-seulement peut, mais même doit les proscrire et user, pour être efficacement obéie, d’une juste sévérité, si cela est nécessaire.

Les auteurs, dont les œuvres sont condamnées, se plaignent assez souvent ; mais cela arrive à tous ceux qu’atteignent les rigueurs de la justice. Que faire alors ? Les laisser se plaindre déraisonnablement et continuer à appliquer la loi qui est la sauvegarde de tout ce que la société a de plus cher. Ces principes sont élémentaires et de la dernière évidence. Il faut être irrémédiablement condamné à déraisonner pour trouver à redire.

Vous soutenez qu’il y a d’excellents livres à l’Index. Nombre de vauriens soutiennent aussi que les pénitenciers et les bagnes sont peuplés de très-honnêtes personnages. On sait pour quelles raisons ils parlent ainsi et l’on ne se donne pas la peine de les réfuter.

Vous objectez que des évêques et des archevêques lisent des livres à l’Index. C’est très-vrai. Je dirai plus : des prêtres et mêmes des laïques en lisent aussi. Mais il est à remarquer que