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surnaturels, voilà ce qui constitue l’ordre surnaturel dans lequel seul nous sommes placés. L’ordre naturel, pris purement connue tel, n’a jamais existé de fait, indépendamment de l’ordre surnaturel, quoiqu’il eut pu exister indépendamment de lui, si Dieu en eut disposé autrement ; il n’existe que comme fondement de ce dernier dans lequel il se trouve englobé. Voilà pourquoi tout est perdu pour l’homme, s’il n’atteint pas la fin surnaturelle à laquelle Dieu a daigné l’élever. Dieu ne lui ayant pas laissé de fin naturelle à atteindre, il tombe alors dans l’enfer, qui n’est pas une fin, mais le lieu de supplices où gémiront éternellement ceux qui ont refusé d’arriver là où ils étaient miséricordieusement appelés.

La grâce sanctifiante étant finie, en tant qu’elle nous est communiquée, quoique essentiellement divine en elle-même et dans son principe, il en résulte qu’elle peut croître indéfiniment en nous. Or, augmenter constamment la grâce qui est en nous par les moyens surnaturels que Dieu a mis à notre disposition, voilà ce qui constitue le seul, le véritable progrès, et c’est à réaliser un tel progrès que N.-S. Jésus-Christ nous convie, lorsqu’il nous dit : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait.

Le progrès dans l’ordre naturel n’est pas défendu ; ce serait une erreur que de le prétendre ; il est même très-permis. Mais il doit être contenu dans de justes limites et ne jamais contrarier le progrès dans l’ordre surnaturel. Loin de là, il doit lui être en tout subordonné et il n’a de raison d’être que pour le favoriser.

Donc, M. Dessaulles, prétendre, comme vous le faites, que les paroles de Notre-Seigneur : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait signifient que nous devons nous perfectionner autant que la nature nous le permet, c’est-à-dire, d’une façon tout-à-fait naturelle et rien de plus, est absolument faux et contraire à l’enseignement évangélique. Pour notre perfection véritable, la nature ne peut absolument rien ; bien plus, elle y met souvent les plus terribles obstacles.

Les anciens Grecs et les anciens Romains, qui vivaient embourbés dans la vie des sens, ne voyaient que la nature, et ils