pouillé par la phraséologie voltairienne du respectable M. de Pongerville.
Je craindrais de déflorer par de plus longs commentaires le charme sérieux de cette œuvre d’art. Il me suffit de dire que les parties les plus sympathiques du poème de Lucrèce, celles où il traduit avec une rare puissance ce que Bossuet appelle « l’inexprimable ennui de la vie humaine, » ont été rendues par André Lefèvre, avec une intensité d’accent qui égale les notes pénétrantes et graves du maître latin.
C’est donc dans l’ensemble un fort beau travail, qui achève de
recommander ce poète érudit à la sympathie des lettrés et qui, dans
un temps ultérieur, le désignera sans doute aux suffrages de
l’Académie française. Mais André Lefèvre est jeune encore, et nous ne
voulons que rappeler ses titres si notables et déjà si nombreux, que
sa traduction de Lucrèce vient provisoirement couronner sans
préjudice de l’avenir. Qu’il nous soit permis de dire que, moins que
jamais, on a le droit de désespérer de notre poésie française et que,
n’en déplaise aux pessimistes, la muse de notre pays est encore
jeune et florissante, quand elle s’atteste dans le Parnasse
contemporain, publié d’hier, par les vers de Leconte de Lisle,
Sully-Prudhomme, François Coppée, Anatole France et par la traduction de
Lucrèce d’André Lefèvre, que nous avons présentée au public
d’élite qui lit et consulte ce journal.