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XXXI
PRÉFACE

telle déperdition de force, que la nature se trouvera sans ressources contre l’anéantissement, et ne pourra réparer à temps les formes incessamment désagrégées. Bien que la raison ne répugne pas à la divisibilité infinie qu’admettait Anaxagore (I, 830-846), les plus récentes théories chimiques semblent devoir confirmer l’induction de Lucrèce.

Indivisibles, solides, les atomes sont innombrables, puisque l’univers, leur somme, est infini. Lucrèce veut encore qu’ils soient pourvus de diverses figures en nombre limité, et que le nombre des atomes de chaque type soit infini (II, 334, 341-600). On a fort ridicularisé les atomes ronds, crochus, anguleux, mixtes, et nous n’avons pas l’intention de les défendre. L’usage qu’en fait le poète n’en est pas moins très ingénieux ; c’est grâce à eux qu’il rend compte de la diversité des genres et des espèces. Ils remplacent pour lui nos corps simples, dont chacun est composé de molécules identiques entre elles, irréductibles l’une à l’autre. Si la physique et la chimie consentaient à parler un instant la langue de Lucrèce, elles pourraient, sans préjudice notable pour la science, reconnaître qu’une soixantaine de types ou de figures atomiques président aux diverses combinaisons de la substance.

Il y a ainsi dans Lucrèce un certain nombre d’hypothèses que l’observation scientifique n’a point justifiées, mais qui n’en gardent pas moins une valeur relative. Elles ont été rectifiées, non supprimées. Telle est, au fond, la fameuse théorie de la déclinai-