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XXX
PRÉFACE

La fin que tu cherchais t’échappera de même.
Va, place où tu voudras le rivage suprême ;
Je t’y suis. Tire encor ; tu tireras en vain.
Toujours devant le trait reculera la fin ;
Et c’est une entreprise infinie, où la fuite
Sans cesse accroît le champ ouvert à la poursuite.
 

Il n’y a ni haut, ni bas, point de fond où se rassemblent et d’où partent les éléments : l’espace est sans bornes (II, 89-92) ; aussi n’est-il pas vraisemblable (II, 1051-1081), « quand de toutes parts s’étend l’infini, et que d’innombrables germes volent éternellement, poussés par des mouvements sans nombre, qu’il ne se soit formé qu’une terre et qu’un ciel, les nôtres, et que tant d’éléments ne produisent rien ailleurs.

« Bien des rencontres pareilles ont dû avoir lieu ; il y a, en d’autres régions, d’autres orbes terrestres, d’autres races humaines et animales. Ciel et terre et soleil, lune, mer et tout ce que nous voyons n’est point seul de son espèce ; il y en a d’innombrables » . C’est la pluralité des mondes. Admirable intuition, surtout de la part d’un homme qui, dans son astronomie enfantine, n’accordait aux astres que leur grandeur apparente !

Les éléments immuables, dont le concours produit toutes les formes périssables, sont nécessairement solides et indivisibles. C’est l’unité suprême, ultime, sans fraction. « Si la moitié de la moitié a encore sa moitié, et ainsi de suite, le petit sera aussi infini que le grand, et l’élément dernier égal à l’univers » (I, 611). D’ailleurs, ce morcellement indéfini entraînera une