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LIVRE SIXIÈME

Plein de vent et de flamme, un noir nuage tombe
Dans l’onde ; et, ténébreux, il va, traînant la trombe,
Colonne aux flancs chargés de tonnerre et de nuit.
À terre, l’homme tremble et vers son toit s’enfuit,
Rien qu’à voir sur les eaux marcher cette tempête !
Tels et non moins épais pendent sur notre tête
Les nuages des cieux. Pour nous jeter d’en haut
Un si sombre manteau de ténèbres, il faut
Que, l’un sur l’autre assis, leurs étages sans nombre
Éclipsent les rayons arrêtés dans leur ombre.
Si le ciel ne ployait sous l’orageux fardeau,
D’où tomberait au loin cette avalanche d’eau
Qui gonfle les torrents et change en mer les plaines ?

Ces flammes et ces vents, les brumes en sont pleines ;
De là vient qu’il éclaire et tonne par endroit.
280Tu sais que le soleil incessamment accroît
Ce trésor enflammé, réserve des orages,
Germes ignés enclos dans le sein des nuages
Que la tempête assemble en quelque coin des cieux.
Des vapeurs qu’il étreint, le vent victorieux
Exprime en s’y mêlant ces germes qu’il attise ;
Et son souffle, engouffré dans la fournaise, aiguise
Les éclairs fulgurants, doublement irrité
Par les feux qu’il rencontre et sa rapidité.

Le vent s’est embrasé ; le feu, crevant la nue,
A déchaîné sa force. Alors l’heure est venue,
Alors la foudre est mûre et tombe, empourprant l’air ;
Tout s’emplit des lueurs errantes de l’éclair.