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LIVRE CINQUIÈME

1340Comment on découvrit la nature du fer,
Ta raison, Memmius, te l’apprendra sans maîtres.
Pour armes la Nature à nos premiers ancêtres
Donna les dents, les mains et les ongles, pour traits
Les cailloux, les rameaux arrachés aux forêts.
Des flammes et des feux leurs ressources s’accrurent.
Puis l’airain et le fer à leurs yeux apparurent.
Mais l’airain, plus commun, vint aussi le premier ;
Plus souple, à tout service il se laissait plier.
L’airain fendait la terre ; arbitre des batailles,
L’airain ouvrait au sang de béantes entailles,
Gagnant champs et troupeaux, et chassant devant lui
Tout ce qui n’avait pas sa force pour appui.
Quand du fer lentement l’on eut tiré l’épée,
La faux d’airain déchut, d’impuissance frappée ;
Le fer ouvrit le sol ; le fer arma les bras
Et régla désormais les chances des combats.

L’homme, sur un coursier affrontant les alarmes,
Les rênes d’une main et de l’autre ses armes,
Ignora longtemps l’art d’atteler deux chevaux,
1360Puis quatre, et de monter des chars armés de faux.
Plus tard, chargés de tours, aguerris au carnage,
Les bœufs de Lucanie apprirent de Carthage
À brandir sur l’effroi des débiles humains
Ces trompes, noirs serpents qui leur servent de mains.
Et tout ce que la guerre enfanta d’épouvante,
Tous ces engins de mort que la discorde invente,
L’un de l’autre naissaient, progression d’horreurs.
Pour vaincre on essaya de toutes les fureurs,