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LIVRE CINQUIÈME

Accouplait les amants sous les rameaux des bois.
Parfois l’offre d’un fruit, quelque poire de choix,
Des glands même, payaient les faveurs amoureuses.

Leurs pieds étaient légers et leurs mains vigoureuses ;
Et les pierres de loin, les lourds bâtons de près
Abattaient sous leurs coups les monstres des forêts.
Vainqueurs souvent, parfois fuyant devant leurs proies,
Pareils aux sangliers vêtus de rudes soies,
Où les prenait la nuit, ils livraient au repos
Leurs corps enveloppés d’herbe et de rameaux,
Et, dans la morne paix d’un sommeil taciturne,
Sans troubler de leurs cris l’obscurité nocturne,
Sans chercher le soleil perdu, silencieux,
Nus sur la terre nue, attendaient que les cieux
Au rayonnant flambeau rouvrissent la carrière.
Sûrs de voir avec l’ombre alterner la lumière,
Ils ne s’étonnaient pas de la fuite du jour ;
1020Et, dès l’enfance instruits de son constant retour,
Ils ne redoutaient pas qu’une nuit éternelle
Dérobât pour jamais la lampe universelle.
Bien plutôt craignaient-ils les funestes réveils
Dont l’embûche des nuits menaçait leurs sommeils.
Souvent le brusque assaut du sanglier, l’approche
Du lion les chassaient de leurs abris de roche,
Et, dans l’ombre, effarés, ils s’échappaient, laissant
Leurs couches de feuillage à ces hôtes de sang.
Ne crois pas que la mort en sa rigueur première
Fermât beaucoup plus d’yeux à la douce lumière.
Certes, plus d’un, surpris et, lambeau par lambeau,