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DE LA NATURE DES CHOSES

Lui rendant le trésor de leur regard absent ;
Je reviens au début de ce monde naissant :
Je cherche quels essais la terre nourricière
Fit monter, molle encore, à la sainte lumière,
Et livra les premiers au caprice du vent.

Les herbes, tout d’abord, de leur éclat mouvant
Ceignirent les coteaux et les plaines fleuries ;
Une verte splendeur flotta sur les prairies ;
Par les libres chemins à leur croissance ouverts,
Les arbres à l’envi jaillirent dans les airs.
L’éclosion des poils, des crins et du plumage
Sur les corps animés marque la fleur de l’âge :
Jeune comme les faons et les petits oiseaux,
820La terre se couvrait d’herbes et d’arbrisseaux.

Ensuite elle créa les espèces mortelles
Sans nombre, fruits divers des glèbes maternelles.
Leurs types ne sont pas descendus de l’éther,
Certes, ni projetés du fond du gouffre amer ;
Ils sont tous le produit et l’œuvre de la terre,
Ses enfants ; elle a bien gagné le nom de mère.
Aujourd’hui même encor, des êtres animés
Par la chaleur et l’eau dans ses flancs sont formés ;
Comment douter qu’alors sa puberté féconde,
Sous l’étreinte du ciel adulte, ait mis au monde
De plus robustes corps et des fils plus nombreux ?

Mille tribus d’oiseaux, abandonnant leurs œufs,
Aux rayons printaniers déployèrent leur aile.