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LIVRE CINQUIÈME

De son avide étreinte enceignit toutes choses.

Les deux clartés des airs dans ses plis sont écloses.
Chacune dut rouler entre les deux grands corps :
500Trop pesant pour monter jusqu’aux suprêmes bords,
Leur globe, trop léger pour s’attacher au nôtre,
Loin du fond, loin du faîte, erre entre l’un et l’autre.
Ni la terre n’a pu les fixer, ni l’éther ;
Et, membres du grand tout, dans le milieu de l’air
Comme des corps vivants leurs masses évoluent.
N’avons-nous pas aussi des membres qui remuent
Tandis que quelques-uns demeurent en repos ?

Libre ainsi de l’éther et du feu, sous les eaux
La terre ouvrit la fosse où la mer engouffrée
Développe aujourd’hui son ampleur azurée.
Et plus les feux du ciel et les rayons du jour,
De leur vive morsure entamant son contour,
Vers le centre poussaient et contractaient sa masse,
Plus les acres sueurs qu’exhalait sa surface
Accroissaient de leurs flots le champ mouvant des mers ;
Plus les germes ailés des flammes et des airs
S’échappaient de ses flancs, pour épaissir loin d’elle
En voile radieux la voûte universelle.
Les plaines s’abaissaient ; mais le sol tout entier
520Ne pouvait en tous lieux également plier ;
Le roc ne pouvait pas descendre ; et les montagnes
De leur faîte croissant dominaient les campagnes.
Le globe par son poids sur lui-même s’assit.
La vase universelle en tombant s’épaissit