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DE LA NATURE DES CHOSES
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Où s’en seraient allés tant d’exploits, dont l’histoire
Devait greffer la fleur sur son arbre éternel ?
Oui, notre monde est neuf ; le jour originel
Luit de bien prés encor sur son adolescence.
Que d’arts encore enfants sont en pleine croissance !
Que de progrès nouveaux aux choses de la mer !
360La science des sons date à peine d’hier.
Cette Doctrine, enfin, est récemment éclose,
Et je suis le premier, le seul même, qui l’ose
Transplanter dans la langue et sur le sol romains.

Si tu crois, par hasard, qu’autrefois les humains
Ont connu tout cela, mais que des vieilles races
La flamme furieuse a dévoré les traces,
Que des convulsions ont rasé les cités,
Que les flots pluvieux, hors de leurs lits jetés,
Ont couvert les remparts ; comment ne pas conclure,
Pour la terre et le ciel, à la chute future ?
En butte à des périls si grands, si menaçants,
Ce monde aurait bien pu, sous des chocs plus puissants,
Tomber d’une ruine immense, irréparable.
Ainsi chacun de nous ne se sait périssable
Que par comparaison. Ne voit-il pas son corps
Subir les mêmes maux dont tant d’autres sont morts ?
Trois signes marquent seuls l’éternité des choses.
L’unité pleine, intense, impénétrable aux causes
De dissolution, aux assauts destructeurs
380(C’est l’attribut des corps premiers et créateurs) ;
L’inanité sans borne où nul effort n’a prise
(C’est le vide parfait que nul choc ne divise