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DE LA NATURE DES CHOSES

Allumé le désir d’une beauté nouvelle ?
Sans doute, avant que l’aube eût éclairé les deux,
Les ténèbres pesaient à la torpeur des dieux !
Mais, pour nous-même, était-ce un mal de ne pas naître ?
Quiconque est né peut vivre et se cramponne à l’être,
Autant que l’y retient la douce volupté ;
Mais qui regrettera ce qu’il n’a pas goûté ?
Et qu’importe à qui n’est entré dans aucun nombre,
N’ayant pas vu le jour, d’être resté dans l’ombre ?

En créant l’univers, ces dieux ont dû savoir
Ce qu’ils voulaient ; d’avance ils l’ont dû concevoir :
Qui donc leur en offrit les moules et les types ?
Oui, qui leur révéla les vertus des principes
Et les diversités de leurs combinaisons ?
200Ils ont de la Nature attendu les leçons !

Que d’âges révolus, avant que la poussière
Des innombrables corps qui forment la matière,
Sous l’action des chocs, sous l’empire des poids,
Du mouvement multiple ait appliqué les lois ;
Avant que les essais et les métamorphoses
Des atomes groupés aient fait jaillir les choses ?
Le temps explique seul comment ces premiers corps
Auront pu rencontrer cet ordre, ces accords,
Et cette marche enfin qui fonde et renouvelle,
Telle que tu la vois, la trame universelle.

Mais quand j’ignorerais quel est le fonds réel
Des choses, l’aspect seul de la terre et du ciel,