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DE LA NATURE DES CHOSES

À quels corps animés la terre a donné l’être ;
Ceux qu’inventa la Fable et qui n’ont pas pu naître ;
Comment l’homme, assignant un nom à chaque objet,
Sut varier les sons que la langue échangeait ;
Et d’où se sont jadis sur notre âme abattues
Ces secrètes terreurs qui gardent les statues
Des dieux, leurs bois, leurs lacs, leurs temples, leurs autels,
80Et, dans tout l’univers, planent sur les mortels.

J’exposerai la loi qui gouverne et modère
Les circuits de la lune et la courbe solaire.
Crois-tu que, librement, d’un cours officieux,
Ces astres, sans erreur, circulent dans les cieux,
Pour que la vie éclose et que le blé mûrisse ?
Ou qu’à l’ordre des dieux leur lumière obéisse ?
L’inaction sereine est l’attribut des dieux.
Pourtant, lorsque ceux-là qui le savent le mieux
Se prennent à scruter le mystère des choses,
À chercher dans l’éther sans rivage les causes
Des mouvements d’en haut, leurs admirations
Les replongent souvent dans les religions.
Les malheureux ! Partout ils évoquent des maîtres
Vigilants, tout-puissants ; sans rechercher quels êtres
Peuvent ou non surgir, et quel champ limité
La force intime assure à toute activité.

Mais c’est assez promettre, et je passe aux exemples.
Cette terre, ces mers, ce ciel, où tu contemples
Le triple fondement de l’immense univers,
100Ces trois corps, de nature et d’aspect si divers,