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DE LA NATURE DES CHOSES

Le liquide à l’épais et le dense au coulant.
Le régime et la table ont leur part d’influence.
Tel aliment trop riche alourdit la semence ;
Tel autre l’appauvrit jusqu’à l’épuisement.
Avant tout, il importe en quel mode et comment
L’œuvre des voluptés s’accomplit. La Nature
Semble des animaux préférer la posture ;
On pense que, les seins appuyés, les flancs hauts,
La femme garde mieux les amoureux dépôts.
Mais il n’est pas besoin de secousses lascives.
Les soubresauts joyeux des hanches convulsives
Qui tirent à l’amant jusqu’au suc de ses os
1320Dérangent la charrue, et le soc porte à faux.
Faire ainsi dévier le jet de la semence,
C’est des conceptions rejeter l’espérance ;
Aussi la courtisane à ce jeu se complaît,
Sûre, en offrant à l’homme un plaisir plus complet,
D’éviter les ennuis des grossesses fréquentes.
L’épouse doit laisser ces façons aux bacchantes.
La moins belle parfois se fait aimer le mieux.
Ce ne sont ni les traits de Vénus, ni les dieux,
C’est son humeur affable et ses mœurs, et le charme
D’un corps toujours soigné, c’est elle, qui désarme
L’homme et du toit commun lui fait un cher séjour.
L’habitude s’en mêle et finit par l’amour.
Ne voit-on pas le choc des plus frêles matières
À la longue entamer la dureté des pierres,
Et la rigueur du marbre à la fin succomber
Sous une goutte d’eau qui s’obstine à tomber ?