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DE LA NATURE DES CHOSES

Aux chaînes où Vénus les retient engagés,
Sans le pressentiment des plaisirs échangés
Auraient-ils d’un tel piège affronté les supplices ?

Ainsi donc, chaque sexe a sa part de délices.
Quand d’un avide effort la femme a brusquement
Pompé le lait du mâle et reçu le ferment,
Selon la fusion que la secousse opère
L’enfant tient plus ou moins de la mère et du père ;
Celui dont le visage en mêle deux en un
1260Et de ses deux parents est le portrait commun
Naît du sang de la femme et de l’homme, et révèle
L’équilibre parfait d’une ardeur mutuelle :
Les fluides lancés par des désirs égaux
Sans s’étouffer l’un l’autre ont combiné leurs eaux.
Parfois, souvent, on voit revivre en ce jeune être
Quelque trait d’un aïeul, ou même d’un ancêtre ;
C’est qu’héritage ancien, dans le corps des parents
Se cachent confondus des germes différents
Dont les pères aux fils ont transmis le principe,
Pour permettre à Vénus de varier le type
En ramenant la voix, les cheveux ou les traits
Des aïeux, éléments réels bien que secrets,
Non moins fixes en nous que nos corps et nos âmes.
Le fluide viril peut engendrer des femmes ;
Par le sang maternel plus d’un homme est produit.
De deux germes toujours l’embryon est le fruit.
Ressemble-t-il à l’un plus qu’à l’autre ? La cause
En est qu’un des époux aura doublé la dose ;
Et, quel qu’en soit le sexe, on discerne aisément