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LIVRE QUATRIÈME

Toute l’eau de son corps d’un large flot sillonne
Quelque riche tapis venu de Babylone.

Lorsque l’âge a mûri les sucs générateurs,
Quand les premiers bouillons montent aux jeunes cœurs,
Le rêve, au souvenir empruntant mainte image,
Messagère au teint frais, au florissant visage,
Pique les lieux secrets que gonfle le désir
1060Et souvent accomplit ce que fait le plaisir ;
Et le fleuve à grands flots s’épanche de la source,
Laissant aux vêtements la trace de sa course.

Cette sève, ai-je dit, ne s’émeut guère avant
Que l’âge ait affermi l’organisme vivant.
Seule la force humaine à l’humaine semence
Imprime la secousse où tout acte commence.
Dès que ses réservoirs à son cours sont ouverts,
Coulant de membre en membre elle filtre au travers,
Et s’amasse au lieu même où l’instinct la réclame
Pour mettre en mouvement le sens dont elle est l’âme.
L’organe entier se tend et s’enfle et fait effort
Pour chasser le ferment du désir qui le mord,
Visant l’objet aimé d’où lui vient sa torture.
Maint blessé tombe ainsi vers et sur sa blessure ;
Et le sang, jaillissant à l’encontre des traits,
Va rougir l’ennemi qui frappa de trop près.

Sous les coups de Vénus, qu’ils viennent d’une femme
Dont tout le corps projette une amoureuse flamme,
Ou bien de quelque éphèbe aux membres féminins,