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LIVRE QUATRIÈME

Aux fantômes d’objets déjà loin de ses sens.
1000À ses yeux endormis leurs traits restent présents.
Il voit, même éveillé, s’enchaîner en cadence
Les souples mouvements et les bonds de la danse ;
Il entend les sons purs des cithares voler
Autour de son oreille et les cordes parler ;
Et de foule et de bruit la vaste enceinte est pleine ;
Et de riches décors illuminent la scène.
Si grand est ce pouvoir des penchants et des goûts,
Que même l’animal l’éprouve comme nous !

Souvent le fier coursier, dans l’ombre étendu, rêve,
Sue et souffle et s’agite, et son flanc se soulève,
Comme si la barrière à son élan cédait,
Et comme si la palme au terme l’attendait.

Les chiens, en plein sommeil, jettent soudain la patte
De çà, de là ; leur voix en cris joyeux éclate ;
Ils plissent leurs naseaux et les ouvrent à l’air,
Comme si quelque piste avait frappé leur flair.
Longtemps même, au réveil, leur ardeur les entraîne
Sur les traces d’un cerf aux abois, ombre vaine
Que l’aurore dissipe en rappelant leurs sens.

1020Et les chiens du logis, nos gardiens caressants,
Les vois-tu secouer la somnolence ailée
Dont leur paupière agile est à peine voilée,
Sur leurs pieds en sursaut dressés, comme à l’aspect
De quelque visiteur au visage suspect ?