Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
DE LA NATURE DES CHOSES

Des corps les plus menus il faut qu’il se compose.
Au premier examen ce premier point s’impose.
Quel plus rapide éclair que le travail mental ?
L’élan de la pensée est un vol sans rival.
Si donc, en son essor, l’esprit laisse en arrière
Tout ce dont l’œil perçoit la forme ou la matière,
C’est que son corps fluide est formé d’éléments
Ronds, menus et légers, tels que leurs mouvements
Au choc le plus minime obéissent sur l’heure.
Pourquoi l’eau cède-t-elle au souffle qui l’effleure ?
Elle est faite de corps ronds, menus et coulants.
Le miel est plus tenace et ses flots sont plus lents :
Une cohésion paresseuse contracte
Le tissu moins glissant de sa nappe compacte.
Ses atomes, moins ronds, serrent mieux leurs faisceaux.
200Rien qu’à frôler un tas de graines de pavots,
Le zéphir jusqu’au sol en rase les poussières ;
L’aquilon ne peut rien sur un monceau de pierres.
Donc la forme et le poids par de constants rapports
Sont liés à l’allure, au mouvement des corps.
Plus ils sont fins, roulants, plus leur masse est agile.
Plus ils sont anguleux, moins leur bloc est mobile.

L’esprit à cette loi pleinement satisfait ;
Actif par excellence il ne peut être fait
Que de corps fins, polis et de forme sphérique :
Notion précieuse et qui partout s’applique,
Et qui sur tous les cas projette sa clarté.
Regarde jusqu’où va cette ténuité
De trame et combien peu, lorsque l’esprit s’amasse,