Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
DE LA NATURE DES CHOSES

Quand bien même en effet j’ignorerais l’essence
Des éléments premiers, germes de la substance,
Les imperfections des choses et des cieux,
Tout m’instruirait qu’un monde à ce point vicieux
Ne peut être le fruit d’une raison divine.
Mais réservons ce point, Memmius ; je termine
Ma démonstration des lois du mouvement.

Établissons d’abord, c’est, je crois, le moment,
Qu’il ne peut exister de corps dont la matière
Tende en haut par sa force et remonte en arrière.
La flamme semble prendre Épicure en défaut ;
Pour naître et pour grandir tu la vois tendre en haut.
L’arbre aussi monte en l’air et la plante se dresse :
Mais puisque tout ailleurs selon son poids s’abaisse,
Lorsque la flamme agile au faîte de nos toits
200Bondit, léchant la pierre et dévorant le bois,
C’est hors d’elle, et non pas dans sa propre tendance
Que nous devons chercher la force qui la lance.
Ainsi le jet du sang jaillit de nos vaisseaux.
Ne vois-tu pas aussi la révolte des eaux
Revomir aisément la plus robuste poutre ?
En vain cent bras nerveux l’enfoncent d’outre en outre ;
Plus profonde est la chute, et plus brusque est le bond
Qui droit en haut la pousse et la chasse du fond ;
Et plus son front dressé dépasse la surface.
Qui doute cependant que le bois, par sa masse
Dans le vide emporté, ne descende au travers ?
Ainsi monte la flamme, ainsi l’effort des airs,