Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
LIVRE DEUXIÈME

De cette vérité ne dois-tu pas conclure
Qu’il n’est point de répit dans un champ sans mesure ?
Le mouvement sans fin règle donc les rapports
Des principes. Le choc lie ou disjoint ces corps,
Et la diversité des pressions rivales
Élargit ou resserre entre eux les intervalles.
Les uns, plus condensés, s’attachent fortement,
Préservés des écarts par l’enchevêtrement
De leurs angles ; leurs nœuds, que tout conflit resserre,
Forment le fer rigide et scellent dans la terre
Les rocs puissants ; c’est d’eux que les corps durs se font.
D’autres, frêles, errant dans le vide sans fond,
Rebondissent au loin ; tissus sans résistance,
Ils nourrissent de l’air l’impalpable substance ;
D’eux nous vient la clarté radieuse du jour.

Mais beaucoup, sans pouvoir entrer dans un contour
Et dans le mouvement des groupes qu’ils traversent,
Transfuges éternels, au hasard se dispersent.
Et ce n’est pas un fait rare ou mystérieux.
120Un exemple commun le révèle à nos yeux.
Lorsqu’à travers la nuit d’une chambre fermée
Le soleil entre et darde une flèche enflammée,
Regarde, et tu verras, dans le champ du rayon,
D’innombrables points d’or, mêlés en tourbillon,
Former leurs rangs, les rompre, encor, toujours, sans trêve,
Et livrer un combat qui jamais ne s’achève !
Tu concevras alors quels infinis hasards,
Bercent les éléments dans l’étendue épars,