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errent parmi les vivants ; ou que la mort laisse subsister une partie de nous-mêmes, une fois que la double nature des esprits et des corps meurt éparpillée en ses propres atomes.

Je répète donc que les assemblages exhalent à leur cime des apparences, des figures déliées, qui en sont comme les membranes, et on peut dire les écorces ; car elles ont un aspect et une forme semblables (4, 50) au corps qui a répandu ces flottantes images.

Elles ne se dérobent point aux intelligences les plus épaisses, surtout puisque le monde des sens nous offre mille corps qui émanent : les uns jaillissant épars des assemblages en ruines, comme la fumée que jette le bois, ou la vapeur du feu ; les autres, tissu fin et serré, comme ces rondes tuniques de peau que les cigales ôtent un jour d’été, et ces molles enveloppes qui se détachent à fleur de corps du veau naissant, et la robe que la couleuvre laisse sur les épines où elle glisse : car tu vois souvent (4, 60) les buissons enrichis de ces dépouilles que le vent agite. Si le fait a lieu, toute surface doit envoyer aussi de subtiles images. Ces lourds débris tombent-ils des êtres, plutôt que de fines émanations ? Pourquoi ? Tu demeures bouche close. Surtout puisque la cime des assemblages, pleine de corps imperceptibles, peut les rejeter sans détruire leur ordre, leur forme, leurs traits, et beaucoup plus vite ; car leur petit nombre diminue les obstacles, et ils sont rangés en tête.

(4, 70) Oui, certes, nous voyons bien des êtres qui soulèvent et chassent leur matière, non-seulement du fond de leurs entrailles, mais encore des superficies telles que la couleur. Ainsi font habituellement ces voiles jaunes, bruns et rouges [73], qui, étendus sur les mâts et les poutres dans nos vastes amphithéâtres, y font bouillonner la vague de leurs plis tremblants. Toute l’assemblée du cirque qu’ils dominent, et tout ce qui en est la parure, les grands, les dames, les immortels, se colorent, et semblent ondoyer d’un éclat mobile. Mieux on ferme les abords, (4, 80) les barrières, et mieux on intercepte les feux du jour, plus on augmente le charme riant des teintes qui baignent la salle.

Or, puisque ce fard émane de la surface des toiles, il faut que tous les corps lancent aussi de frêles images : car elles sont aussi dardées par la surface.

Voici déjà quelques traces certaines de ces formes partout répandues, minces contours qui demeurent séparément invisibles.

En outre, le parfum, la fumée, la vapeur, et toutes les essences analogues, jaillissent éparses des assemblages, (4, 90) parce que, soulevées du fond, elles arrivent au jour par des voies tortueuses qui les brisent, et que les embouchures par où elles tâchent de sortir, une fois chassées, ne sont pas droites. Mais la couleur, écorce fine que jettent les surfaces, ne trouve rien qui la puisse déchirer, étant à nu, et comme sur le front des êtres.

Enfin, ces images que les miroirs, les ondes