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déliées, et moins rondes. Un souffle contenu et faible dissipe cet amas de graines qui couronne le pavot ; mais sur un monceau de pierres ou de lances (3, 200) il ne peut rien. Donc, plus les atomes sont fins et lisses, mieux ils se remuent et courent ; au contraire, plus on les trouve pesants et rudes, mieux ils tiennent en place.

Or, puisque nous avons vu combien les âmes sont agiles, elles ne peuvent avoir que des éléments déliés, polis, et ronds. Ami, retiens ce fait, tu le trouveras utile ; car il te viendra mille fois en aide.

Voici encore qui montre la nature des âmes, (3, 210) la délicatesse des atomes qui en forment le tissu, et le peu de place que tiendra leur assemblage, si on peut les entasser. Sitôt que le calme de la mort envahit les hommes, que leur esprit et leur âme se sont échappés, on ne voit pas le corps perdre de son poids ou de son volume : la mort lui laisse tout, hors le sentiment et la chaleur vitale.

Toute la substance des âmes doit être faite de corps imperceptibles, et attachés aux veines, aux entrailles, aux nerfs, si elles abandonnent la masse (3, 220) sans appauvrir le contour et la surface des membres, ni en diminuer le poids. Ainsi, quand le bouquet du vin et le doux esprit des parfums se dissipent dans les airs, ou que des corps perdent leur suc, la substance même paraît-elle plus maigre, devient-elle moins lourde ? Non, parce que le goût et le parfum naissent de mille petits atomes, épars dans la masse.

Je le répète donc, et on le voit sans peine, la fine nature des esprits, des âmes, (3, 230) veut des éléments imperceptibles, puisque leur fuite ne dérobe rien au poids des êtres.

Et pourtant, gardons-nous de croire que ce soit une nature simple [232]. Avec la vie s’échappe un léger souffle, mêlé de vapeur chaude, que l’air accompagne ; car elle ne peut exister sans air, et la chaleur est une matière si pauvre que mille germes aériens circulent nécessairement au milieu de ses pores.

Voici déjà trois éléments trouvés dans les âmes : et pourtant ils ne suffisent pas à nous rendre sensibles ; (3, 240) car la raison ne peut admettre que de tels corps impriment à notre sensibilité ce mouvement qui roule les idées dans nos intelligences. Il faut donc ajouter une quatrième substance. Elle n’a aucun nom dans aucune langue. Rien de plus mobile, de plus délié ; rien qui se compose d’atomes plus fins et plus lisses. Elle donne le mouvement aux sens, et le propage dans les membres : car, étant faite des moindres atomes, elle se meut la première ; la chaleur et le souffle, agent imperceptible, reçoivent alors un élan vital ; l’air part ensuite, ensuite tout s’ébranle : (3, 250) le sang bat, et les entrailles acquièrent une sensibilité qui trouve son dernier asile dans