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joie, et reconnaissent que Médée l’a bien mérité. Jason élève d’abord des autels à Pallas, qui voit cette union malgré elle ; et il commence à honorer Vénus, qu’il avait jusque-là dédaignée. Si jamais alors il effaça par sa beauté tous les Argonautes, ce fut surtout à l’approche de son hymen. Tel, après une victoire sur les bords ensanglantés de l’Hèbre, Mars gagne furtivement Idalie ou les bosquets chéris de Cythère ; ou tel Hercule, admis enfin à la table des dieux, se repose de ses fatigues sur le sein d’Hébé. Vénus, et Cupidon au langage séducteur, conspirent pour dissiper les ennuis de Médée ; la déesse elle-même la revêt de sa robe couleur de safran, et lui donne ce diadème, dont les perles recèlent un feu qui doit consumer un jour une autre amante. Alors le teint de la jeune fille se rehausse d’un nouvel éclat : elle arrange avec art ses blonds cheveux ; elle s’avance enfin, oubliant tout ce qu’elle a souffert. Ainsi, quand les eaux sacrées de l’Almon ont lavé les blessures des prêtres de Cybèle, que la déesse elle-même a recouvré la gaieté, que ses flambeaux de fête éclairent toutes les villes, qui croirait que le sang humain vient d’inonder son sanctuaire ?Quels de ses prêtres s’en souviennent encore ?

Tandis que Jason et sa fiancée s’approchent des autels, qu’ils commencent à réciter les prières d’usage, Pollux porte devant eux le feu et l’eau nuptiale. Les deux époux décrivent un cercle en se tournant vers leur droite. Mais alors la flamme se déploie dans une atmosphère chargée de vapeurs ; l’encens monte en flocons épars, signe d’une fidélité passagère et d’un amour de courte durée. À cet aspect, Mopsus maudit les deux époux et les plaint tous deux ; il souhaite, barbare Médée, que tu n’aies jamais d’enfants. On apprête ensuite le repas : on y sert en abondance des pièces de gibier, produit d’une chasse facile, les unes cuites au feu, les autres bouillies dans l’airain. On s’étend sur des lits de gazon, près de l’antre où Peucé haletante céda jadis à la passion de l’Ister. Au milieu des convives et plus élevés qu’eux, les deux époux, éblouissants de jeunesse et de grâces, sont assis sur leur Toison.

Mais quelle alarme nouvelle a suspendu les chants de l’hyménée, troublé le festin, interrompu les sacrifices ? C’est Absyrte ; il arrive soudain avec la flotte de son père ; il poursuit, une torche à la main, les Grecs fugitifs ; il accable d’invectives sa criminelle sœur. « Compagnons, dit-il, si vous êtes sensibles à la douleur et au ressentiment, hâtez-vous. Ce n’est pas Jupiter qui fuit avec son amante ; ce n’est pas le taureau dont il a emprunté la figure que nous poursuivons. Le dirai-je ? C’est un brigand qui avec un seul vaisseau enlève la toison de Phrixus ; une jeune fille lui plaît, il l’enlève aussi, et part, ô honte ! sans seulement attaquer nos maisons ni nos murailles. Comment venger assez cet outrage ? Je ne redemande plus la toison ; je ne veux plus de toi, ma sœur, qu’on te rende ou non ; je n’ai ni l’espoir de traiter, ni la force de calmer ma fureur. Et d’ailleurs, puis-je sitôt