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les eaux, dans les montagnes, on n’entend plus que le souffle des vents.

Bientôt il lui sembla voir s’élever au-dessus de l’eau Hylas, paré de fleurs de safran, dons de la perfide Naïade, se pencher sur sa tête, et lui parler ainsi : « Pourquoi, mon père, te consumer en plaintes inutiles ? Ce bois, cette fontaine est ma demeure ; telle est ma destinée, depuis que, docile aux cruels conseils de Junon, une Nymphe m’a ravi par trahison, m’a ouvert les portes du ciel, un accès près de Jupiter, et associé aux vœux, aux honneurs qu’elle reçoit des humains. (4, 30) Adieu donc, flèches chéries que je portai jadis ! Entraînés par l’éloquence passionnée, par les conseils jaloux de Méléagre, nos compagnons, le vent en poupe, ont quitté ces rivages ; mais il en sera puni, lui, sa maison, sa famille ; et déjà sa mère prépare ta vengeance. Lève-toi donc, et lutte sans relâche contre l’adversité. Bientôt tu seras au ciel ; les astres t’y gardent une place. Jusque-là n’oublie jamais notre amitié, et que jamais ne s’éloigne de toi la douce image de ton jeune compagnon. »

Ainsi parlait Hylas, en considérant Hercule avec attendrissement. Celui-ci fait un effort, et cherche à l’étreindre de ses bras ; (4, 40) mais l’engourdissement les enchaîne, et il ne saisit que le vide. Le sommeil paralyse ses forces ; l’ombre le fuit et trompe ses désirs. Il pleure alors ; il l’appelle ; il s’épuise en vains gémissements et voit enfin son espoir se dissiper avec le sommeil. Ainsi quand la vague agitée détache des flancs du rocher et emporte le nid et la couvée d’un alcyon, la mère désolée se tient sur ses pénates flottants, les suit partout dans leur naufrage avec une hardiesse mêlée de crainte, jusqu’à ce que le nid violemment ballotté s’entr’ouvre et s’engloutisse ; alors elle pousse un cri plaintif et s'envole : (4, 50) tel Hercule, se dégageant avec peine des liens du sommeil, se lève tout hors de soi, et s’écrie, en versant un torrent de larmes : « Je partirai donc ; et tu vas rester seul dans ces lieux, dans ces bois déserts ! Cher enfant, tu ne seras plus là pour admirer mes exploits. » Et, retournant sur ses pas, il quitte la vallée, sans savoir quel destin lui prépare la colère de Junon ; et, à l’aspect de ses compagnons emportés déjà loin de lui, il sent une secrète honte d’en avoir été ainsi abandonné.

Il avançait déjà vers les murs de Troie, comptant sur la reconnaissance et les promesses de Laomédon, (4, 60) lorsque Latone et Diane, la tristesse empreinte sur le visage, s’approchent de Jupiter, précédées d’Apollon, qui s’exprime ainsi d’un ton suppliant : « Quel autre Alcide, quel autre temps réservez-vous pour la délivrance du vieux Prométhée ? Jamais, grand Jupiter, ne verra-t-il finir son supplice ? Tous les hommes, le Caucase lui-même et les forêts lassées de ses plaintes, s’unissent pour vous conjurer. C’est assez punir le rapt du feu céleste et la révélation de nos sacrés festins. »

Il dit, et à son tour Prométhée, de son roc où l’insatiable vautour lui déchire les entrailles, (4, 69) lève au ciel ses yeux brûlés par les frimas, et fa-