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fatigue ma haine ! Eh ! ne m’a-t-il pas vaincue dans toutes ses épreuves ? Quels monstres de Lerne et de Némée évoquerai-je contre lui, quand il vient d’en abattre encore un sous mes yeux, et de rendre aux Troyens la mer libre et sûre ? Suis-je la sœur des rois de l’univers, la fille honorée de Saturne ? Quand il eut, dès le berceau (et ce début déshonora ma juste vengeance), étouffé les serpents que j’avais envoyés contre lui, j’aurais dû peut-être renoncer à le poursuivie, et ne plus m’abaisser à de tels combats. Va ; persiste dans ta haine ; épuise (ô honte !) toutes les sortes de ruses. (3, 520) Bientôt aussi, Pluton, Furies, je vous ébranlerai. »

Elle dit, et aperçoit en même temps une troupe de Nymphes, ornement des fontaines et des bois, qui chassaient sur le flanc des coteaux couverts de pins. Un arc léger, des gants couleur de verdure, un javelot de myrte avec sa courroie, composent leur équipage. Leur robe est relevée au-dessus du genou ; leur chevelure flotte en boucles ondoyantes, et retombe sur leur sein, dont les contours se trahissent à peine. La terre tressaille d’allégresse au bruit de leur course rapide, et le gazon naît sous leurs pas. (3, 529) Dryope, l’une d’elles, étonnée de voir les bêtes partir si loin de la portée du trait, et entendant tout ce fracas dont Hercule remplissait la forêt, s’avance pour en connaître la cause. Mais, effrayée à la vue d’Hercule, elle regagne bien vite sa fontaine. Junon, descendue de l’Olympe et appuyée contre un pin, l’appelle, et, lui prenant la main, lui dit avec bonté : « L’époux que j’ai choisi pour toi, jeune Nymphe qui en as dédaigné tant d’autres, vient d’arriver ici sur un navire thessalien. C’est le bel Hylas, qui vagabonde maintenant dans ces bois, le long de ces fontaines. Tel était Bacchus, quand tu le vis, sur son char jonché de roses, traîner derrière soi, à travers vos campagnes, les dépouilles de l’Orient et des nations vaincues, (3, 540) mener les chœurs de ses danses et restaurer ses mystères ; ou tel est Apollon, lorsqu’il a quitté sa lyre pour l’exercice de la chasse. Quel espoir tu raviras aux Nymphes de la Grèce ! Que de larmes verseront les Naïades du lac Bébéis ! Quel sera le dépit de la fille du blond Lycormas ! »

Et tout à coup, sous les yeux mêmes d’Hylas, elle lance du fond de la forêt un cerf aux superbes ramures, qui, lent à fuir et long à s’arrêter, sollicite l’ardeur du jeune Hylas et le défie de vitesse. L’autre croit déjà le saisir ; et, tout fier d’en être si près, (3, 550) le poursuit de plus belle. Hercule de loin l’anime par ses cris, puis bientôt le perd de vue. Toujours pressé par Hylas, dont le bras se fatigue à bander son arc, le cerf arrive au bord d’un ruisseau limpide et sinueux, qu’il franchit sans l’effleurer. Hylas, déçu dans son espoir, renonce à poursuivre la bête, et, haletant, trempé de sueur, se penche sur ces eaux, avide d’en aspirer la fraîcheur. Comme un lac, à la surface tremblotante, reflète les rayons argentés de la lune ou les feux du soleil à son midi, (3, 560) ainsi l’onde reflète la figure d’Hylas, sans que