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vers qui apaisent les mânes irrités. Lui-même m’a révélé quelles expiations exige l’homicide ; (3, 410) lui-même a bien voulu me dévoiler les mystères de l’Érèbe. Aussitôt donc que l’Aurore sortira du sein des ondes, rassemble nos compagnons, et prépare deux grandes victimes pour les dieux infernaux. Jusque-là, jusqu’à ce que j’aie passé la nuit en prières expiatoires, je ne puis me mêler parmi vous. Voici Latone qui met son char en mouvement : allons, retire-toi, et qu’un silence religieux règne sur le rivage. »

Déjà la nuit est au milieu de son cours ; le sommeil pèse sur toute la terre, et les songes mystérieux voltigent de toutes parts. Seul Mopsus veille : épiant l’instant du sacrifice, (3, 420) il dirige ses pas le long des rives ombragées de l’Esèpe, et descend jusqu’à la mer. Là, il se purifie dans l’eau salée et dans l’eau douce, et se prépare à la terrible cérémonie. Il ceint sa tête de bandelettes et de l’olivier symbole des suppliants, marque avec l’épée un emplacement sur le rivage et dresse à l’entour, en l’honneur des divinités inconnues, des autels peu élevés, qu’il recouvre d’épais feuillage. Lorsqu’il a imprimé à tous ces préparatifs le terrible et sombre caractère de la religion, il évoque l’astre brillant du jour.

(3, 430) Les Argonautes, couverts de leurs armes, s’avancent alors, poussant devant eux des béliers aux cornes dorées. Revêtu d’une robe blanche, le pontife d’Apollon marche à leur rencontre, leur fait signe avec un rameau, puis, debout sur une éminence dont la terre est fraîchement remuée, il les touche, en passant, de sa branche de laurier. Il les conduit ensuite près du fleuve, leur ordonne de délier leurs chaussures, de ceindre leurs fronts de branches de peuplier, de lever leurs mains vers le soleil qui montait à l’horizon, de se prosterner tous. Alors, on immole des brebis noires ; on en coupe par morceaux les entrailles. (3, 440) Mopsus et Idmon en portent chacun une partie, et passent trois fois en silence au milieu des Argonautes. Trois fois Mopsus touche leurs habits et leurs armes, jette dans la mer ce qui avait servi à les purifier, et livre aux flammes le reste. Ensuite, figurant des hommes avec des troncs de chênes, il y adapte des armes, et prie les dieux de détourner sur ces vains simulacres le courroux des enfers, celui du sang qui demande vengeance, et les remords qui ne s’apaisent jamais. Là, prononçant la formule expiatoire : « Allez, mânes, dit-il, oubliez vos malheurs d’ici-bas, et goûtez la paix. (3, 450) Heureux habitants du Styx, ne nous poursuivez plus dans nos camps, sur les mers ; gardez-vous surtout d’approcher des villes de la Grèce, et de faire entendre dans nos carrefours vos gémissements plaintifs. Que nos troupeaux soient à l’abri de la contagion, nos moissons des orages dévastateurs ; que notre crime ne retombe ni sur notre patrie, ni sur nos descendants ! » Il dit, et porte sur les autels ornés de feuillage les offrandes funèbres que de paisibles serpents, ministres des ombres, enlèvent et dévorent aussitôt.