Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/533

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coup de sa main et jette un dernier cri ; il voit le dard pénétrer de plus en plus dans la plaie. Jason immole en courant Halys, Prothis, et Dorée dont la voix facile et la lyre harmonieuse osèrent se faire entendre dans les festins, (3, 160) après le chantre mélodieux de la Thrace. Hercule a déposé son arc et ses flèches, mais il renverse des bataillons à coups de massue. Ainsi qu’en une forêt épaisse qu’abattent de vigoureux bûcherons, l’énorme chêne cède, en craquant, à la violence des coins qui le déchirent, le sapin, l’arbre à poix tombent avec fracas ; ainsi les os et les mâchoires retentissent, brisés par la massue d’Hercule, et les cerveaux épais blanchissent au loin la plaine. L’agile Ichnon s’était traîtreusement glissé jusqu’à ses pieds ; le héros le saisit par la barbe, et levant sa massue : « Meurs, dit-il, meurs de la main d’Hercule, (3, 170) honneur insigne et qui rendra fameux tes derniers instants. » Ichnon tombe et frémit d’horreur ; le premier il a reconnu ce nom ami ; il en porte l’affreuse nouvelle aux mânes qui l’ont précédé. En vain Ornytus, plein de bonté pour tes hôtes thessaliens, tu prolongeas leur séjour et célébras leur arrivée comme une fête domestique, voici venir Idmon, le chef couvert d’un casque à l’aigrette rouge, dont toi-même, hélas ! lui fis présent ; il te rencontre et te frappe. Et toi, Crénée, en quel état te reverra ton père ? Déjà le froid sommeil a clos tes charmantes paupières ; ta candeur, ta jeunesse, (3, 180) ta beauté, tout a disparu, tout s’est exhalé avec ton dernier soupir. Va donc, insensible à l’amour des Nymphes, quitte maintenant les forêts ! Ailleurs, Hylas, le bel Hylas, l’espoir et l’honneur des armes, si Junon et les Destins le permettent, montre pour la première fois son audace ; il lance un trait à Sagès qui lui perce le cœur et terrasse le guerrier.

Trompés par la nuit, les deux Tyndarides, fatale erreur ! arrivaient l’un sur l’autre. Le premier, Castor, marche au-devant des coups. Mais l’astre qu’ils portent à leur front brille soudain et les désabuse. Castor frappe Itys à la ceinture, (3, 190) à l’endroit où deux têtes de dragons forment l’agrafe du baudrier. Pollux renverse Hagès, Thapsus, Néalcès qui brandissait sa hache, et Cydrus tout pâle encore de la blessure de Cauthus. Il lance ensuite, de toute sa vigueur, une flèche au chasseur Érymus ; elle lui portait la mort, quand la Lune, touchée de compassion pour son jeune serviteur, darde du sein des nuages un rayon lumineux. Le trait qu’éclaire sa lumière fait plier l’aigrette d’Érymus, rase en sifflant le casque, et se perd dans le vide. Télamon perce Nisée d’une flèche qui, traversant le triple airain de la cuirasse, s’enfonce dans la poitrine du présomptueux Opheltès : (3, 201) « Plût aux dieux, s’écrie-t-il avec joie, que le sort en ce jour eût fait tomber sous ma main le roi de ces barbares, ou quelque autre comme lui d’une naissance illustre, quelqu’un de leurs grands qu’ils pleurassent à jamais ! » À ces morts il ajoute Arès, son frère Mélanthus, et Phocée, fils d’Olénus, qui, chassé du pays des Lélèges, avait (que ne peuvent la patience et l’adresse ?) obtenu l’amitié de Cyzique et l’honneur de sa plus intime familiarité.