Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/532

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dans son lit impétueux. Tydée alors : « En voici un contre qui j’essayerai mes forces : que ne puis-je l’attaquer de près ! Quelque part que tu t’arrêtes, tu périras. » Et de son dard il perce le flanc de Corythus qui tombe avec fracas, mord la poussière, et vomit à la fois son sang et sa vie. Tel un vaisseau, guidé par un pilote ignorant, n’a jamais rasé impunément l’écueil anguleux caché sous les flots ; tel le peuple de Cyzique court en aveugle (3, 110) sur la pointe des épées. Iron est tué, et Cotys, et Biénor plus vaillant que son père Pirnus.

Cependant l’agitation augmente, dans la ville ; tout y est trouble et confusion. Génysus, à qui son épouse avait caché ses armes, s’empare d’un tison dont l’éclat, avivé par l’air, révèle sa présence ; il s’applaudit, l’infortuné, d’avoir trouvé cette arme. Médon laisse inachevé un sacrifice nocturne, et déserte les tables chargées d’offrandes ; il roule autour d’une main sa chlamyde de pourpre, impuissant bouclier, et brandit de l’autre son épée étincelante ; (3, 120) puis il vole au combat. Les vins, les mets restent intacts, les lits solitaires ; seuls, les esclaves veillent alentour. Tous deux se perdent dans la mêlée, et, diversement armés, y périssent aussi d’une mort différente.

Phlégyas, secouant une torche noueuse et enduite d’un épais bitume, descend de la citadelle, où tout est en émoi : il croit, comme autrefois, que la troupe fugitive des Pélasges est revenue pendant la nuit. La lueur fumeuse de sa torche éclaire tout son corps ; il l’élève, en poussant de vains cris ; il cherche Thamyrus, qu’il a déjà repoussé tant de fois : (3, 130) tel, rouge des feux de l’ouragan, Typhon, du haut du ciel où Jupiter le tient suspendu par les cheveux, plonge ses regards sur la terre, et épouvante les rochers de sa prunelle sinistre. Mais Hercule, courbé tout entier sur son arc, se précipite de ce côté, dirige, à la faveur de la lumière, une flèche qui s’enflamme à la torche, et va frapper Phlégyas à la poitrine. Celui-ci tombe la tête sur le flambeau, dont le feu redouble en s’attachant à sa chevelure. Pélée renverse Ambrosius, Ancée l’immense Éthélus, et, laissant venir à portée (3, 140) Télécoon, lui abat la tête de deux coups de hache, et lui enlève son baudrier, dont les ornements en relief étincelaient à la vague clarté des astres. « Laisse, dit Nestor, ces dépouilles, ces cadavres, prémices de la victoire ; c’est au fer, au fer seul à achever notre ouvrage. » Et, saisissant Amaster, il lui tranche la tête, et exhorte ses compagnons à fondre tous ensemble sur l’ennemi. Ils rompent leur phalange, s’élancent, et se dispersent çà et là, à travers les ténèbres. Le lourd Phléias rencontre Ochus ; Hébrus tremblant est heurté par Pollux ; (3, 150) Jason, foulant aux pieds des cadavres baignés dans le sang, domine le champ de bataille et le parcourt semblable à l’ouragan déchaîné sur les flots. Il laisse demi-morts Zélys, Brotès et Abaris, et poursuit Glaucus, qui se retourne, mais qu’il prévient en lui plongeant le fer dans la gorge. Vainement Glaucus pare le