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dieu, plus propice à Lemnos, guide vers vous les Argonautes. Vénus elle-même vous convie à de nouvelles unions, tandis que votre âge et vos forces vous promettent encore d’être fécondes. » L’avis est agréé ; Iphinoé porte des paroles de paix aux Grecs, que n’arrêtent déjà plus le crime de ces femmes et ses traces encore récentes. Vénus a chassé de ces lieux la terreur. Aussitôt on immole en l’honneur des guerriers un superbe taureau ; (2, 330) les temples négligés se remplissent de pieuses offrandes, et sur l’autel de Vénus brûle sa première génisse.

Les Argonautes arrivaient au mont, dont les saillies escarpées sont toutes noircies par le feu, et d’où s’exhale une vapeur qui enflamme l’atmosphère. Jason s’arrête : Hypsipyle l’exhorte à des pensées pieuses, et lui explique la cause de ce spectacle : « Tu vois ici les antres de Vulcain ; ici est son empire. Offrez-lui tous des libations et des vœux. Maintenant peut-être la foudre restera-t-elle assoupie dans ses fourneaux brûlants ; mais la nuit, ô mon hôte, quand les mugissements de la flamme captive, quand le bruit des marteaux étonneront tes oreilles, tu verras que j’ai dit vrai. » (2, 340) Elle lui vante alors la force, les remparts de Lemnos, et les antiques richesses de ses maîtres. Des esclaves ont préparé des festins sous les portiques du palais ; les lits y sont recouverts de la pourpre de Tyr, aux reflets de feu ; à l’entour, pleurant des rois leurs aïeux, des rois leurs époux, se tiennent quelques captives thraces qui passaient pour avoir repoussé un hymen adultère, et saintement respecté la couche de leurs maîtresses. Jason est au milieu, la reine près de lui, et après eux les Argonautes. La chair des victimes apaise d’abord le premier appétit ; le vin circule dans les coupes, et le silence est général ; bientôt succèdent les causeries, (2, 350) qui se prolongent fort avant dans la nuit. Hypsipyle surtout, enthousiasmée de l’aventureux Jason, lui demande quels desseins l’entraînent, quelle tyrannie le pousse, lui et cet énorme vaisseau thessalien ? Tout entière à ses paroles, elle attise insensiblement les feux qui la pénètrent ; elle est moins rebelle à l’hymen, plus docile aux encouragements de Vénus. Le ciel sourit à son amour et lui laisse le temps d’en goûter les prémices. L’éternel moteur du monde, le régulateur des cieux, Jupiter avait fait lever l’astre pluvieux des Pléiades ; des torrents d’eau inondent la terre ; un seul coup de foudre fait trembler le mont Pangée, (2, 360) le Gargare, et les forêts désolées. Plus puissante que jamais, la Terreur agite les mortels. Astrée anime sans doute et stimule la fureur de Jupiter contre les peuples ; elle a quitté la terre ; elle importune tous les astres de ses plaintes continuelles. Le sombre Eurus et ses terribles frères la secondent ; ils grondent sur la mer Egée, dont les flots envahissent ses rivages. Tiphys impatient, mais arrêté par la crainte, voit pour la quatrième fois la lune se lever, grosse de vapeurs ; (2, 370) et cependant les Argonautes, joyeux et tranquilles dans Lemnos, attendent que l’astre ait reparu plus pur, s’oublient dans les bras des veuves lemniennes, et atteignent la saison des