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Oh ! si j’avais ma vigueur d’autrefois, quand ce bras abattit Pholus du coup d’un cratère d’or plus pesant que celui dont il me menaçait, j’eusse le premier suspendu mes armes au mât de ce vaisseau, (1, 340) et ma rame l’eût gaiement fait voler sur les ondes. Mais du moins les vœux d’un père n’ont pas été sans effet ; les dieux ont entendu mes prières. Tant de rois, et mon fils à leur tête, me rappellent qu’autrefois je guidai et je suivis leurs pareils. Maintenant il ne me reste plus qu’à attendre le jour (et puissé-je l’obtenir de Jupiter !), le jour où je te recevrai vainqueur de la mer et du roi de Scythie, portant sur l’épaule la toison éblouissante, et, si jeune, éclipsant, mes hauts faits. » Il dit : Jason soutient sa mère renversée sur sa poitrine, et reçoit avec respect les embrassements du vieillard.

(1, 350) Trois fois la trompette avait sonné le triste signal, et mis fin aux adieux qui retardaient le départ. Chacun choisit son banc et saisit sa rame. Télamon est à la gauche, Hercule à la droite. Le reste se partage les autres places. C’est d’abord l’agile Astérion, que le brillant Cométès, son père, plongea, au sortir du sein maternel, dans les eaux de deux fleuves, à l’endroit où l’Énipée reçoit l’impétueux Apidan. Derrière lui sont Talaüs, Léodocus, qui rame immédiatement après son frère ; tous deux envoyés par la noble Argos ; (1, 360) Idmon, aussi d’Argos, qui partit malgré les menaces des augures ; car il est honteux pour un homme de craindre l’avenir. Là encore Iphitus, fils de Naubolus, domine le sommet des eaux qui lui fouettent le visage ; Euphémus, fils de Neptune, qui règne sur la bruyante Psamathé et sur le Ténare toujours béant, sillonne l’élément paternel. Viennent ensuite, partis des doux rivages de Pella, Deucalion, adroit au javelot, et le noble Amphion, habile à manier l’épée ; tous deux fils d'Hypso, tous deux si semblables qu’elle ne peut ni ne veut les distinguer. Ici Clyménus ramenant avec force la rame vers sa poitrine, (1, 370) et son frère Iphiclus ; Nauplius, dont le phare trompeur guidera bientôt, ô Capharée, les vaisseaux grecs contre tes rochers ; Oïlée, qui pleurera son fils frémissant de rage dans les flots de l’île d’Eubée, et foudroyé par une autre main que celle de Jupiter, font voler le navire. Plus loin est Céphée, qui reçut, dans les mers de Tégée, Hercule affaissé sous le poids du sanglier d'Érymanthe ; Amphidamas son frère ; Ancée, fils de leur aîné, que celui-ci, trop vieux, aima mieux envoyer à sa place conquérir la toison ; Eurytion, dont les longs cheveux seront à son retour consacrés par son père sur les autels de Béotie ; (1, 380) toi aussi, Nestor, que séduisit la destinée glorieuse de l’Argo, et qui verras un jour sans étonnement blanchir la mer sous les voiles sorties de Mycènes avec leurs mille pilotes ; Mopsus enfin, véridique interprète d’Apollon son père, dont la robe blanche, tombant jusqu’aux pieds, recouvre ses brodequins de pourpre, dont le casque est ceint de bandelettes, dont le panache est un laurier.

Du côté d’Hercule se placent encore Tydée, Périclymène, fils de Nélée, fameux dans l’humble Methone, à Élis la ville aux coursiers rapi-