Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/478

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murmure : là ce sont des couronnes de violette nouées par le safran, des touffes jaunes mêlées à la rose purpurine, et des lis que, des bords où l’onde vierge les effleura, l’Achéloïde apporte à pleines corbeilles d’osier. Ce sont de petits fromages que sèchent des paniers de jonc ; des prunes que mûrissent les jours d’automne, polies comme cire ; des châtaignes, et des pommes au délicat vermillon ; des mûres sanglantes, la grappe que porte le cep flexible, et le concombre azuré qui pend à sa tige tortueuse. (20) Cérès est là, belle et parée ; Amour est là, là est Bacchus ; là aussi est le gardien de la chaumière, armé de sa faux de saule ; mais il n’épouvante pas les regards de son prodigieux attribut. Viens ici, chevalier de Bébèle ; ton âne harassé sue ; ménage la pauvre bête pour toi et tes pareils : l’âne ne fait-il pas vos délices ? À cette heure la cigale fatigue les arbustes de son chant perpétuel ; à cette heure le lézard se tapit dans sa fraîche retraite. Si tu es sage, couche-toi de même, et plonge ta lèvre altérée dans le verre d’été, (30) ou dans le cristal, si tu l’aimes mieux. Çà, repose à l’ombre de ces pampres tes membres lassés ; noue sur cette tête appesantie la guirlande de roses : pour toi quelle moisson de baisers sur les lèvres d’une belle et blanche jeune fille ! Ah, périsse l’homme antique au sombre sourcil ! Pourquoi réserver à des cendres insensibles les parfums de nos fleurs ? Quoi ! nous les aurons cueillies pour en couronner des pierres ? Pose là le vin, les dés. Maudit soit qui s’inquiète du lendemain ! La Mort, nous pinçant l’oreille, nous dit : « Vivez, vivez, j’arrive. »



LE PETIT JARDIN.

(1) Venez, ô Muses, filles du tout-puissant Jupiter ; proclamons les louanges du petit jardin fertile. — Un jardin fournit à celui qui le cultive de salutaires aliments, et lui rapporte sans cesse des produits variés, des légumes délicieux, de nombreuses variétés d’herbages, des raisins vermeils, et des fruits. Qu’un jardin aussi est un lieu charmant ! L’agréable et l’utile s’y mêlent de mille façons. Le cristal transparent d’une eau murmurante l’entoure, (10) et arrose les plants où le conduit un sillon. Des fleurs brillent sur des tiges aux mille nuances, et tapissent la terre de splendides pierreries. De gracieuses abeilles y bourdonnent, et pompent, légères et murmurantes, l’essence des fleurs ou la rosée nouvelle. Les vignes fécondes accablent les ormeaux, leurs maris ; le pampre ombrage des treillis de roseaux ; les arbres offrent des berceaux touffus, et leurs chevelures épaisses empêchent les feux du soleil de percer ; les oiseaux répandent leurs voix en mélodieux gazouillements, (20) et ne cessent de charmer les airs. Un jardin attire, réjouit, loge, nourrit, ôte au cœur affligé la pesante angoisse, rend la vigueur aux membres, et captive la vue ; il paye le travail au centuple ; il donne