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être tout à la fois fluides et piquants, il faut que ce soient des globules à surface rude.

(2, 471) Si tu veux ne conserver aucun doute sur le mélange des atomes polis, et des atomes plus rudes à qui la substance des mers doit son amertume, décompose les ondes, examine les parties. Lorsque les mêmes eaux filtrent longtemps à travers le sol et vont emplir des fosses, elles deviennent plus douces [474] : leur âcreté sauvage se perd avec les éléments qui la produisent, et qui demeurent à la surface, parce que leurs aspérités les enchaînent à la terre.

A ce que je viens de t’apprendre, je vais ajouter une chose qui en dépend et qui en tire sa preuve : je veux dire que les éléments (2, 480) ont un nombre limité de formes diverses ; sinon il faudrait que le volume de quelques-uns fût immense ; car un seul élément, un élément imperceptible, ne peut varier beaucoup ses formes. Compose les atomes de parties infiniment déliées, et au nombre de trois, ou augmente-le de quelques autres. Arrange ces parties en tous sens ; place-les en haut, en bas ; mets-les à droite, remets-les à gauche : tu auras bientôt épuisé les formes que leur disposition peut imprimer à la masse. (2, 491) Si tu veux multiplier les figures, il faut y joindre des parties nouvelles ; et, par la même raison, de nouvelles parties seront encore nécessaires, si tu veux encore varier leur arrangement et leur forme. Le volume du corps augmente donc à mesure que les formes sont plus variées ; et par conséquent tu ne saurais croire que leur diversité soit infinie, sans obliger quelques atomes à un immense développement : or, comme tu le sais déjà, nul ne peut démontrer que le fait existe.

(2, 500) Autrement, les riches habits des barbares, les étoffes éclatantes de Mélibée que la Thessalie baigne dans la pourpre de ses coquillages, et les riantes couleurs qui parent la race dorée des paons, effacées bientôt par des couleurs nouvelles, tomberaient au rang des choses viles. On mépriserait aussi le parfum de la myrrhe, la saveur du miel. Un chant plus doux étoufferait le chant des cygnes, et les accords de Phébus ne retentiraient plus, sept fois harmonieux, sur les cordes de la lyre : car il naîtrait toujours des choses plus belles les unes que les autres.

Et tout pourrait aller du mieux au pire, comme nous avons dit que tout serait amélioré. (2, 510) Quelque chose de plus repoussant, et de plus repoussant encore, frapperait sans cesse les oreilles, les narines, les yeux ou la bouche. Mais puisque les corps ne changent pas de la sorte, puisque des bornes infranchissables limitent et le bien et le mal dans la nature, tu dois admettre que les formes de la matière sont aussi limitées.

Enfin, des glaces de l’hiver aux feux brûlants, il y a un espace fixé, et le retour est le même du feu à la glace. Le chaud, le froid, les vapeurs tièdes, tout est contenu entre ces deux extrêmes, et remplit graduellement leur intervalle. Les différences de la température ne sont donc pas infinies, (2, 520) puisque les chaleurs ardentes