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Le cri de leur voix tremblante prouve que les faibles chevreaux reconnaissent aussi leurs mères armées de cornes ; les brebis distinguent le bêlement des agneaux folâtres ; et tous les jeunes êtres, guidés par la Nature, courent aux mamelles qui les nourrissent.

(2, 371) Enfin, quoique tous les grains de même nature se ressemblent, on voit pourtant que leurs contours diffèrent, ainsi que les coquillages aux mille formes qui émaillent le sol, près des rivages que vient battre la mer, et dont le sable boit les ondes expirantes. Or, puisque les atomes existent naturellement comme ces corps, et que la main des hommes ne les a pas forgés sur un même modèle, (2, 380) les atomes doivent aussi voltiger sous mille formes diverses.

Il nous est très-facile d’expliquer aussi pourquoi les feux du tonnerre sont plus pénétrants que la flamme qui naît des matières terrestres : car tu peux dire que le feu du ciel est une substance plus déliée, dont les atomes ont des formes plus fines et se glissent à travers les pores ; ce que ne peut faire la flamme du bois ou le feu des torches.

En outre, la lumière traverse la corne ; mais la corne repousse la pluie. Pourquoi, sinon parce que les atomes de lumière sont moindres que ceux qui forment le fluide bienfaisant des eaux ?

(2, 391) Quoique le vin jaillisse rapidement à travers le filtre, l’huile est paresseuse et coule à regret. Pourquoi ? Parce que les éléments de cette substance sont ou plus épais ou mieux accrochés ensemble, mieux entrelacés ; et il en résulte que chacun ne se détache pas aussi vite, lorsque chacun se répand à son tour à travers les pores du filtre.

D’ailleurs, le lait et le miel sont doux à la langue qui les savoure, quand ils coulent dans le palais ; (2, 400) mais l’absinthe, mais la centaurée sauvage sont des substances amères, repoussantes, et qui tordent la bouche. Tu peux aisément en conclure que des atomes polis et ronds produisent les saveurs agréables, tandis que les corps aigres et rudes contiennent des atomes crochus, étroitement enlacés, et qui ont coutume de forcer le passage dans nos organes, où ils pénètrent en déchirant les fibres.

Enfin, tout ce qui flatte les sens, et tout ce qui leur est pénible, provient de corps opposés par leur forme. (2, 410) Car il ne faut point croire que le bruit aigre et horrible de la scie qui siffle soit formé par des atomes polis, comme les sons harmonieux que les musiciens éveillent et façonnent avec leurs doigts agiles sur les cordes de la lyre. Ne crois pas non plus que des éléments de même forme se glissent dans les narines des hommes quand ils brûlent des cadavres infects, ou quand ils viennent de répandre le safran de Cilicie sur les théâtres, et que, près de la scène, les autels exhalent des parfums arabiques. Ne te figure pas enfin que ces couleurs bienfaisantes